Première partie
« L’affirmation fondamentale de Pythagore est simple […] : le principe de toutes choses est dans le nombre. […] Pythagore aurait eu cette intuition fondamentale un jour qu’il passait devant l’atelier d’un forgeron. […] [I]l aurait constaté que le marteau qui rendait le son d’octave pesait la moitié du poids du plus lourd, celui qui produisait la quinte pesait les deux tiers du poids du plus lourd, et celui qui donnait la quarte pesait les trois-quarts du poids du plus lourd […]. Pythagore aurait renouvelé l’expérience avec une corde tendue sur un chevalet, divisée en parties égales, et aurait eu la confirmation de cette découverte. […] Celle-ci ne concerne pas seulement la musique : elle vaut pour toute chose et s’étend même jusqu’au cosmos. […] [C]omme les intervalles des sons, les mouvements des astres se réduisent à des rapports numériques. Nous retrouvons là le thème […] de « l’harmonie des sphères » […]. Cette vision mystico-mathématique du monde s’applique aussi à la beauté et notamment à la beauté artistique. […] Vitruve s’appuie sur ce fonds pythagoricien pour fixer, à l’intention des architectes, les proportions architecturales optimales. Le nombre d’or constitue le meilleur et le plus célèbre de ces rapports mathématiques. […] Cette conception pythagoricienne du beau a trouvé dans la statuaire un terrain d’élection. L’exigence de symétrie et de proportions, c’est-à-dire de rapports justes et harmonieux entre les différentes parties qui composent le corps, a été formulée de façon remarquable par le sculpteur Polyclète […] auteur d’un texte technique et pratique à destination des sculpteurs, connu sous le titre de Canon. […] Ces principes théoriques, Polyclète les a appliqués à l’une de ses sculptures, nommée elle aussi Canon, en référence au traité théorique dont elle réalise les principes. »
Carole Talon-Hugon, L’antiquité grecque (2014), chapitre II : « Qu’est-ce que le beau ? »
« L’affirmation fondamentale de Pythagore est simple […] : le principe de toutes choses est dans le nombre. »
Carole Talon-Hugon, L’antiquité grecque (2014), chapitre II : « Qu’est-ce que le beau ? »
On a ici une esthétique objective du Beau : pour Pythagore, le Beau réside dans l'harmonie qui se définit par des propriétés mathématiques.
En musique, les accords harmonieux sont le produit d'un rapport numérique. L'harmonie s'explique par la simplicité de la proportion.
L'harmonie est une propriété objective des choses et plus généralement du monde lui-même.
Le terme de cosmos désigne justement cette idée d'un monde harmonieux, caractérisé par des rapports numériques : c'est l'idée de l'harmonie des sphères.
En architecture, des théoriciens vont prescrire des règles du Beau.
Les proportions d'un beau bâtiment doivent pour Vitruve respecter les proportions idéales du corps humain.
L'homme de Vitruve
Le nombre d'or ou divine proportion :
Dans la sculpture antique, il y a des proportions à respecter pour représenter un beau corps humain : il faut respecter un canon de beauté.
Le procès Brâncuși
Aux Etats-Unis, la circulation des œuvres d'art ne donnait pas lieu à des frais de douanes. Mais la douane américaine a refusé de considérer comme des œuvres d'art les créations du sculpteur Brâncuși. L'affaire est jugée au tribunal en 1928.
Les colonnes de Buren (1986)
De fait, les artistes ne se sont pas limités au Beau : les artistes se sont intéressés aussi à la laideur, à la dysharmonie
Dürer,
Avarice
(1507)
Rembrandt,
Le Bœuf écorché
(1507)
Les musiciens doivent-ils nécessairement respecter les règles harmoniques de la musique classique ?
Les chorégraphes doivent-ils se plier aux formes du ballet classique ?
Maurice Béjart : « Le Sacre du printemps » d'Igor Stravinsky
Deuxième partie
Amadeus (1984)
« Le talent de l’invention s’appelle génie. […] on ne le donne pas […] à un artiste qui ne fait qu’imiter, mais seulement à celui qui a des dispositions à produire originellement son monde, et enfin à celui-là seul encore dont le produit est digne de servir de modèle. […] Le champ propre au génie est celui de l’imagination. Parce que cette faculté est créatrice, et que, moins soumise à la discipline des règles, elle est par là même d’autant plus capable d’originalité. — Le mécanisme de l’instruction, qui astreint constamment l’élève à l’imitation, est toujours contraire à l’éclosion du génie, en ce qui regarde l’originalité. Mais chaque art a pourtant besoin de certaines règles mécaniques fondamentales »
Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, I, §57
Le génie | Le contraire du génie |
---|---|
? | ? |
? | ? |
? | ? |
? | ? |
? | ? |
Le génie | Le contraire du génie |
---|---|
1 inventer | 9 imiter |
2 la créativité de l'imagination | 3 le mécanisme de l'instruction |
4 produire originellement son monde | 7 reproduire ce que d'autres ont fait |
6 l'originalité | 8 la conformité aux règles |
10 servir de modèles | 5 se servir de modèles |
Kant ne dit pas que la création artistique repose sur le rejet de toutes les règles.
Dans l'Antiquité on a souvent considéré l'artiste comme inspiré par les dieux.
La faculté d'invention pour Kant est un fait de nature, mais elle est toujours considérée comme un don, que l'artiste lui-même ne peut expliquer.
Toutefois n'est-il pas possible d'expliquer, au moins en partie, les sources de la création artistique ?
« Nous sommes accoutumés, devant toute chose parfaite, à omettre la question de sa genèse, et à jouir de sa présence comme si elle avait surgi du sol d'un coup de baguette magique. »
« Les artistes ont quelque intérêt à ce que l’on croie à leurs intuitions subites, à leurs prétendues inspirations ; comme si l’idée de l’œuvre d’art, du poème […] tombaient du ciel tel un rayon de la grâce. »Nietzsche, Humain, trop humain, chap. IV
Une œuvre s'inscrit dans un contexte historique et social particulier. Elle est toujours l'expression, le reflet d'une époque, d'une culture.
Tout artiste s'inspire de ce qu'ont fait et ce que font les autres artistes. La création artistique se nourrit des œuvres de l'histoire de l'art et de l'art présent.
Beaucoup d'œuvres sont une forme de reprise, d'adaptation, d'élaboration à partir d'une autre œuvre.
On peut ainsi faire une histoire des courants artistiques et repérer les influences et trajectoires qui mènent d'une forme d'art à une autre.
L'idée de génie masque la réalité du travail de l’artiste, au profit d’une représentation illusoire qui fait de la créativité artistique un surgissement inexplicable et spontané.
Mais, on peut observer ce travail dans les manuscrits, les brouillons, les esquisses, les répétitions avant une représentation, les témoignages des artistes .
« Le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme »
Nietzsche, Humain, trop humain, chap. IV
Cette question se pose surtout dans le contexte des mutations qu'a connues l'art dans la période moderne et contemporaine.
Faire plutôt texte + commentaire petit à petit
PRéciser : canon : synonyme de beauté En grec = la règle Polyclète : statue + traité : canon Plusieurs canons
Autres exemples sur Art et laideur : https://docs.google.com/presentation/d/e/2PACX-1vTUR8caFnZGFwiirudNPWKqNgTD3tKMORfcIfi0NEdUlA0UKwDYglx_Ro0x4mA6C40nyLqaW0lLyFFY/pub?start=false&loop=false&delayms=60000
cinq versions réalisées entre 1893 et 1917. Edvard Munch
Alberto Giacometti
L'activité de l'artiste est-elle un travail ? L'art est-il évasion hors du monde ? Les artistes nous aident-ils à être libres ?