Qu'est-ce
que l'art nous
apporte ?

Cédric Eyssette
https://eyssette.github.io/

Yasmina Reza, Art (1994)

Notre réflexion s'inscrit ici dans la perspective d'une esthétique de la réception.

I –
L'art nous conduit
à une expérience
esthétique particulière

Première partie

On peut appeler expérience esthétique, l'expérience particulière que nous avons face à une œuvre d'art qu'on admire.

  • Rappelez-vous l'expérience d'une œuvre d'art que vous admirez.
  • Qu'y a-t-il de particulier dans l'expérience d'une œuvre qu'on admire ?
  • En quoi est-ce différent d'autres expériences, plus ordinaires ?

A. Bergson :
perception ordinaire et
perception esthétique

Un tour de magie 🔗 🔗 🔗

« [N]ous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. »

« Auxiliaire de l'action, la perception isole, dans l'ensemble de la réalité ce qui nous intéresse; elle nous montre moins les choses mêmes que le parti que nous pouvons en tirer. […] Mais […] quand [les artistes] regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d’agir ; ils perçoivent pour percevoir, - pour rien, pour le plaisir. »

Bergson, Le Rire, III (première citation) & La pensée et le mouvant, “la perception du changement” (deuxième citation)

Perception ordinaire Perception esthétique
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  1. Perception pauvre
  2. Sélection des informations utiles
  3. Percevoir pour percevoir
  4. Être attentif à toutes les nuances de ce qu'on contemple
  5. Percevoir pour agir
  6. Perception riche
  7. Placer des étiquettes abstraites et générales sur
    les choses
  8. Fascination et absorption dans ce qu'on regarde
Perception ordinaire Perception esthétique
1 Perception pauvre 6 Perception riche
2 Sélection des
informations utiles
8 Fascination et absorption dans
ce qu'on regarde
7 Placer des étiquettes abstraites et générales
sur les choses
4 Être attentif à toutes
les nuances de ce
qu'on contemple
5 Percevoir
pour agir
3 Percevoir
pour percevoir

Le lycée est un espace utilitaire, dont vous faites usage quotidiennement mais vous ne le regardez pas vraiment pour lui-même.

  • Votre défi : faire une photographie artistique dans le lycée et essayer de saisir un aspect du lycée auquel vous n'avez jamais été attentif !

B. De la perception esthétique
à l'expérience esthétique
au sens large

On peut distinguer trois formes d'expérience, qui ne sont pas exclusives l'une de l'autre :

  1. L'expérience perceptive (perception, sensations)
  2. L'expérience affective (émotions, sentiments)
  3. L'expérience de pensée (réflexion, compréhension)

1) L'œuvre d'art comme expérience perceptive

« L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible »

Paul Klee

L'œuvre d'art nous apprend à voir autrement, à percevoir de manière
plus intense et plus fine le monde 🔗

2) L'œuvre d'art comme expérience affective

« La musique révèle tous les mouvements les plus intimes de notre être. »

Schopenhauer

Les émotions auxquelles l'œuvre d'art nous conduit sont fortes, subtiles et profondes 🔗.

3) L'œuvre d'art comme expérience de pensée

« La littérature est une extension de la vie, non seulement horizontalement, mettant le lecteur en contact avec des événements ou des lieux ou des personnes ou des problèmes qu’il n’a pas rencontrés en dehors de cela, mais également, pour ainsi dire, verticalement, donnant au lecteur une expérience qui est plus profonde, plus aiguë et plus précise qu’une bonne partie des choses qui se passent dans la vie »

Martha Nussbaum, Love’s Knowledge. Essays on Philosophy and Literature, p. 48

L'œuvre d'art nous questionne, enrichit notre imagination, nous permet de nous comprendre, et de comprendre le monde, par une pensée incarnée, concrète et plus vive 🔗.

II – 
Mais les jugements
sur l'art ne sont-ils
pas relatifs ?

Deuxième partie

A. Le relativisme esthétique

Définition

D'après le relativisme esthétique, les jugements sur la valeur d'une œuvre d'art sont purement subjectifs et particuliers.

« Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté […] : il vous répondra que c’est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate […] J’assistais un jour à une tragédie auprès d’un philosophe ; que cela est beau ! disait-il. […] Nous fîmes un voyage en Angleterre : on y joua la même pièce parfaitement traduite ; elle fit bâiller tous les spectateurs. […] Il conclut, après bien des réflexions, que le beau est très relatif […] et il s’épargna la peine de composer un long traité sur le beau »

Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif, “Beau, beauté”

On pourrait également soupçonner derrière certains jugements sur l'art une forme de snobisme.
Afficher sa capacité à apprécier l'art, notamment sous des formes élitistes, ne serait-il pas simplement une stratégie de distinction sociale ?

De manière générale, nos jugements de goût nous jugent : ils fonctionnent comme un signe social de reconnaissance entre personnes qui ont les même goûts, et d'exclusion des personnes qui ne le partagent pas.

Pierre Bourdieu affirme en ce sens qu'il y a un espace social des goûts : les goûts expriment largement l'appartenance à une classe sociale.

Agnès Jaoui, Le Goût des autres (2000)

B. Critique du relativisme esthétique

Le relativisme esthétique conduit à considérer que tous les jugements esthétiques se valent, étant donné l'absence de critère objectif, mais cela est très discutable.

  • Si une personne affirme que « le rap, le heavy metal c'est très mauvais et cela ne vaut rien », alors qu'elle ne connaît rien à ces musiques, son jugement est-il acceptable ?
  • Si un enfant affirme que la chanson « Je serai (ta meilleure amie) » de Lorie est géniale, alors qu'un critique musical aurait quelques doutes sur la valeur de cette chanson, faut-il penser que ces deux jugements se valent ?
  • Quelqu'un qui pratique un instrument de musique et qui a certaines connaissances sur l'harmonie musicale est-il davantage capable d'apprécier la musique classique ou le jazz ?

« ll y a une bonne raison, dit Sancho au chevalier au grand nez, si je prétends être juge en matière de vin car c’est une qualité héréditaire dans notre famille. Deux de mes parents furent un jour appelés à donner leur opinion sur un tonneau de vin qu’on supposait excellent, vu son âge et son bon cru. L’un des deux le goûte, le considère et, après mûre réflexion, déclare que le vin est bon, si ce n’est un léger goût de cuir qu’il perçoit en lui. L’autre, après avoir usé des mêmes précautions, donne aussi son verdict en faveur du vin mais avec cette réserve : un goût de fer qu’il peut aisément distinguer. Vous ne sauriez imaginer comme leurs jugements furent tournés en ridicule. Mais qui fut le dernier à rire ? Quand le vin fut bu, on trouva au fond du tonneau une vieille clef attachée à une lanière de cuir. »

Hume, De la norme du goût

Hume compare le goût pour l'art au goût pour le vin.

On retrouve ici la même idée : le goût peut s'éduquer, on peut apprendre à apprécier un vin, et à développer ce que Hume appelle une délicatesse de goût qui va nous permettre de faire des comparaisons et d'avoir un jugement plus fin.

Mise en
pratique

Exercice d'application

  • Choisir un sujet ci-dessous :
    • Faut-il être cultivé pour apprécier une œuvre d’art ?
    • Qu'est-ce qui distingue une œuvre d'art d'un objet quelconque ?
    • L'art nous détourne-t-il de la réalité ?
    • L'art est-il le dévoilement d'une vérité ?
    • L'œuvre d'art a-t-elle un sens ?
    • Les œuvres d'art nous enseignent-elles quelque chose ?
    • L'art est-il inutile ?
    • L’art sait-il montrer ce que le langage ne peut pas dire ?
    • Peut-on reprocher une faute de goût ?
  • Rédiger une sous-partie de dissertation (autour de 300 mots)
    ⚠️  il faut défendre une seule réponse, mobiliser le cours, et utiliser le modèle ARES

Selective attention test https://ladigitale.dev/digiplay/#/v/623133dfa5bdc https://ladigitale.dev/digiplay/#/v/623133c3a401d Door study https://ladigitale.dev/digiplay/#/v/623134548bc65

rappeler : subjectif donc : pas objectif particuliers donc : pas universels