Le langage
permet-il de
tout dire ?

Cédric Eyssette (2021-2022)
https://eyssette.github.io/

Oophaga pumilio ou grenouille des fraises

Dendrobates tinctorius

Pour approfondir :

  1. Sur les épaules de Darwin, “Chant et dialogues”
  2. Michel Kreutzer, Un demi-siècle de chants d'oiseaux
  3. Martine Hausberger, “L'apprentissage du chant chez l'oiseau : l'importance des influences sociales”

I – Il ne semble pas
y avoir de limites à
ce que le langage
permet d'exprimer

Première partie

A. Argument principal :
la structure du langage

La structure du langage humain permet d'exprimer un nombre de significations quasi illimité.

1. Les phonèmes

Représentation schématique des zones articulatoires par Georges Straka

Tableau phonologique des consonnes du français, d'après Martin (1983), et des voyelles du français

2. Les morphèmes

“inacceptables”

“anticonstitutionnellement”

“Rindfleisch­etikettierungs­überwachungs­aufgaben­übertragungs­gesetz” : loi sur le transfert des obligations de surveillance de l'étiquetage de la viande bovine

Le cas des langues agglutinantes et des langues polysynthétiques

3. La syntaxe

4. La productivité du langage

B. Le principe d'exprimabilité

Définition

Le principe d'exprimabilité correspond à l'idée qu'il n'y a pas de limites à ce que l'on peut exprimer par le langage, car on peut toujours enrichir son propos afin de préciser ce que l'on veut dire.

Une critique possible ?

  • N'y a-t-il pas des mots propres à certaines langues qui permettent mieux d'exprimer certaines idées, certains sentiments, et qui sont difficilement traduisibles dans notre langue ? 🔗

Défense du principe d'exprimabilité

On peut toujours trouver une périphrase qui exprime le sens de ce terme.

On perd bien sûr la force esthétique du mot, la densité de sens de l'expression originale, mais la signification ne semble pas perdue.

II – Les limites
du langage

Deuxième partie

A. Une part d'implicite très importante

Nécessité de faire des inférences
 en fonction du contexte

La communication par le biais de signes linguistiques suppose elle aussi de nombreuses inférences : il faut comprendre l'implicite en fonction du contexte, afin de décrypter l'intention du locuteur.

B. Le langage : trop général et abstrait

« Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car les mots (à l'exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous […]. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous […]. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles »

Bergson, Le rire

// des signes mais qui ne sont pas produits intentionnellement

// des signes trompeurs (mais pas produits intentionnellement)

// signe non produit intentionnellement : les caractéristiques de la queue du paon (cf. la théorie du handicap) ; mais production intentionnel d'un signe : déploiement de la queue

[<span>:link:</span>](https://www.franceinter.fr/emissions/sur-les-epaules-de-darwin/zsur-les-epaules-de-darwin-11-fevrier-2017) [<span>:link:</span>](https://lecd.parisnanterre.fr/publications/un-demi-siecle-de-chants-d-oiseaux-635167.kjsp?RH=1390771091148) [<span>:link:</span>](https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2008/symposium-2008-10-17-09h00.htm)

// Intérêt de cet exemple : // apprentissage du chant : les interactions sociales sont essentielles à la constitution du répertoire des individus // fonctions plus complexes => reconnaissance sociale, fonction territoriale, sélection sexuelle, aspect hédonique // Reconnaissance // "Les processus cognitifs actuellement étudiés laissent supposer que, sur la base du modèle que lui offre son chant, un individu peut très bien appliquer des règles pour comparer mentalement les éléments sonores et les syntaxes qui se ressemblent ou qui sont différents. Ces processus cognitifs de catégorisation pourraient ainsi rendre compte du fait que les oiseaux réagissent avec plus ou moins d’intensité à des chants qu’ils n’ont cependant jamais chantés ni entendus. La proximité ou l’écart de ces chants par rapport à des prototypes seraient à la base de la reconnaissance" // Fonction territoriale : // "Les observations plus anciennes de Brémond sur le rouge-gorge (1967), puis celles de Falls sur des espèces nord-américaines (1985), avaient déjà indiqué que lorsqu’ils se répondent lors d’interactions vocales et de contestations territoriales, les mâles reprennent souvent le chant du congénère qu’ils viennent d’entendre, ou alors un chant ressemblant si leur répertoire n’en possède pas un identique. Cette « imitation contestatrice » (ou « song matching ») indique clairement au contestataire que c’est à lui qu’on s’adresse. " // "D’autres travaux plus récents ont exploré, en nature comme au laboratoire, l’intérêt que les oiseaux, mâles et femelles, portent à l’écoute des interactions vocales de mâles voisins. C’est ce qu’on a appelé, de manière aussi pertinente que pittoresque, « écouter aux portes ». Lors d’une interaction, il est fréquent de voir un mâle attendre que son voisin commence à chanter pour recouvrir la fin de ce chant par le sien propre. On a pu montrer qu’il s’agit là d’un acte agressif et de dominance (Amy & Leboucher, 2009). En effet, lorsque ce comportement se prolonge, l’agresseur ne tarde pas à envahir le territoire de son voisin, et dès lors, les autres mâles qui ont assisté à ces joutes ne se risqueront pas à y procéder à des incursions." // Sélection sexuelle // "Chez les canaris, il a été démontré (Vallet & Kreutzer, 1995) que les femelles témoignent d’une préférence marquée pour certaines séquences particulières du chant des mâles, celles qui sont les plus difficiles à produire par la syrinx parce qu’elles nécessitent une prompte coordination des bronches droite et gauche pour produire des glissandi qui sont répétés à des tempi très rapides sur de larges bandes de fréquences, du plus aigu au plus grave" Mais : "les femelles sont réellement pragmatiques. Nous avons par exemple apporté la démonstration que des femelles canaris peuvent modifier l’intensité des réponses qu’elles accordent aux chants (Nagle & Kreutzer, 1997), surtout quand il s’agit de partenaires avec lesquels elles se sont accouplées (Béguin et al., 1998). Les échecs reproducteurs rendent ces chants moins attractifs. " // Aspect hédonique, fonction esthétique // "On a montré qu’il existe dans le cerveau des animaux des « circuits de récompense » qui sont activés en présence de certains événements sociaux, comme le choix de partenaires (Aragona et al. 2003) ou la production de chants chez l’oiseau (Hara et al., 2007). Lorsque les animaux produisent, voient ou entendent certains comportements, leurs systèmes de récompense sont donc susceptibles d’être stimulés. La vie sociale s’accompagne pour l’animal de rencontres plus ou moins plaisantes, et la présence de tel individu plutôt que celle de tel autre va lui apporter plus ou moins de satisfactions." // "En outre, si l’on connaît bien chez l’humain les effets de tension et de relaxation que la succession des phrases musicales exerce sur celui qui écoute, il est légitime de postuler l’existence d’un phénomène comparable chez les oiseaux. […] En l’occurrence, les duos de chants ont beaucoup à nous apprendre, et l’étude de ces interactions d’un point de vue musical se révélerait sans aucun doute fort riche d’enseignements. Après cinquante ans de recherches essentiellement utilitaires, cette approche esthétique permettrait à l’éthologie de restituer aux oiseaux cette capacité « hédonique » qu’ils partagent avec les humains : s’enchanter en communiquant" // Chant des oiseaux pas organisé comme un langage : ("en intervenant soit sur la syntaxe soit sur la phonologie d’un chant, on a pu vérifier que des types de syllabes et des combinatoires ne confèrent pas un sens particulier à un passage de ce chant. En effet, si l’on modifie l’ordre de ces syllabes ou leur forme, voire si on les dispose dans un complet désordre, on n’aboutit au mieux qu’à diminuer l’intensité des réponses, sans altérer pour autant le sens général du signal" ; "Les oiseaux sont effectivement des stratèges de la reconnaissance acoustique de leurs congénères. Si on détruit expérimentalement la syntaxe de leurs chants, ils reportent leur attention sur la phonologie ; si on détruit la phonologie, ils reportent leur attention sur la syntaxe " ; L’important pour eux consiste à identifier la présence d’un compétiteur, quelles que soient les conditions de l’environnement physique et social. Or, dans une communication à distance, la redondance des signaux se révèle plus utile qu’un déclencheur, qui n’offre d’efficacité qu’en proximité.)

// Struhsaker, T. T. 1967a. Auditory communication among vervet monkeys (Cercopithecus aethiops) // https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0003347280800972 // https://www.youtube.com/watch?v=q8ZG8Dpc8mM

// https://thehumanevolutionblog.com/2015/07/28/koko-washoe-and-kanzi-three-apes-with-human-vocabulary/ // https://slate.com/technology/2014/08/koko-kanzi-and-ape-language-research-criticism-of-working-conditions-and-animal-care.html // https://en.wikipedia.org/wiki/Clever_Hans

// https://docs.google.com/document/d/112nV1RVZFNQ6TuO-JRgI9LCED0B6eU8AZsEDMbH_klQ/edit

= les sons caractéristiques d'une langue Exemple de sons dans différentes langues Définition : Une unité de son, élémentaire, indécomposable, qui peut produire une différence de sens

Une unité de sens, élémentaire, indécomposable, qui permet de construire des mots

intergouvernementalisations

les règles qui permettent de construire une phrase correcte du point de vue grammatical

// // [P // [GN // [Dét L'] // [N enfant] // ] // [GV // [V joue] // [GP // [P à] // [GN // [Dét la] // [N balle] // ] // ] // ] // [GP // [P dans] // [GN // [Dét le] // [N jardin] // ] // ] // ] // https://ironcreek.net/syntaxtree/ // https://yohasebe.com/rsyntaxtree/ // http://mshang.ca/syntree/ //

inférences, raisonnements, suppositions ambiguïté => interprétation malentendu, incompréhension possibles

// Les mots ne sont pas faits pour la description, la pensée, la contemplation, mais pour l'action, l'utilité // abstrait / concret // général / singulier // simplification / complexité, richesse, finesse, nuances

// Faire schéma Bergson : Le langage d'après Bergson // Un ensemble d'étiquettes // générales : valent pour plusieurs choses, situations, personnes => suppriment la singularité du réel // abstraites : ne retiennent du réel qu'un aspect => suppriment les nuances et la richesse du réel

chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité