Q1b –
Quels droits
accordons-nous à l'État ?

Cédric Eyssette (2022-2023)
https://eyssette.github.io/

Définition

Le contractualisme est l'idée que le pouvoir de l'État est justifié par une sorte de contrat qui accorde à l'État un droit de gouverner.

⇒ le pouvoir de l'État n'est pas un simple pouvoir de fait, dont on peut constater l'existence. C'est un pouvoir de droit, fondé sur un consentement des individus à être gouvernés.

Le pouvoir n'est pas fondé sur Dieu, la tradition, ou la prétendue nécessité naturelle d'un chef : il est fondé sur la volonté de tous.

Deux questions :

  • Pourquoi accordons-nous à l'État un droit de gouverner ?
  • Quels droits accordons-nous à l'État ?

I –
L'enjeu politique
principal semble
être la sécurité

Première partie

Point de départ : une description pessimiste de l'être humain.

Par nature, les êtres humains désirent la puissance, sans limites

Par conséquent, les êtres humains, par nature, sont dans un état de guerre : pas d'harmonie naturelle, pas d'auto-régulation.

Mais cet état de guerre est un état de misère : crainte permanente → pas de coopération possible → pas de progrès possible.

Il faut absolument trouver un moyen de sortir de l'état de guerre.

Le seul moyen d'en sortir, c'est d'accepter l'existence d'un pouvoir supérieur qui imposera le respect de règles qui vont limiter le désir de puissance de chacun.

L'anarchie comme absence d'ordre (sens 1) s'explique par l'anarchie comme absence de pouvoir supérieur (sens 2).

Pour imposer le respect des règles et empêcher un retour à l'état de guerre, le pouvoir doit être absolu, sans limites, et il doit inspirer la crainte.

L'État doit être un Léviathan, un monstre.

Problèmes :

  • Les êtres humains sont-ils seulement guidés par le désir de puissance égoïste ?
  • L'absence de pouvoir supérieur conduit-elle nécessairement au chaos ?
  • Faut-il rechercher la sécurité au prix de la liberté ? Ne faut-il pas limiter le pouvoir de l'État ?

II –
L'enjeu principal
est la défense
des libertés

Deuxième partie

L'État, pour Locke, a pour finalité de préserver non pas simplement la sécurité, mais la liberté des individus, c'est-à-dire la possibilité de disposer de soi et de ses biens sans interférence arbitraire.

« Là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas de liberté. Car la liberté consiste à être délivré de la contrainte et de la violence exercées par autrui, ce qui ne peut être lorsqu'il n'y a point de loi »

John Locke, Second traité du gouvernement, chap. 6, §57

Les lois légitimes ne sont pas un obstacle à la liberté, mais une condition de la liberté, car elles font obstacle à ce qui fait obstacle à la liberté : elles empêchent que les autres m'empêchent d'être libre.

Cependant le pouvoir de l'État pourrait interférer de manière arbitraire dans l'existence des individus.

Il faut donc aussi soumettre l'État à des lois qui encadrent l'exercice du pouvoir et protègent les individus contre l'arbitraire : c’est ce qu’on appelle l’État de droit, qui s'oppose au pouvoir absolu. L'État n'a pas tous les droits.

Exemples :

  1. L'interdiction de la détention arbitraire : Magna Carta (1215), Habeas Corpus (1679)
  2. La séparation des trois pouvoirs : législatif, exécutif, judiciaire
  3. Au sein de chaque pouvoir, d'autres formes de séparation : bicéphalisme pour l'exécutif, bicamérisme pour le législatif, double degré de juridiction pour le judiciaire
  4. La hiérarchie des normes juridiques : bloc réglementaire < bloc législatif < bloc conventionnel & bloc constitutionnel
  5. Les déclarations des droits humains, et notamment : les grandes libertés politiques (droit de vote, liberté d'expression ...), le droit de résistance à l'oppression, le droit d'asile

Les être humains ont-ils besoin d’être gouvernés ?

La liberté individuelle est-elle un danger pour l'État ?

Faut-il se méfier du pouvoir de l'État ?

L'État est-il au dessus des lois ?

L'usage de la force par l'État est-il légitime ?

≠ modèle des monarchies de droit divin : théocratique "Tous" : contrat sexuel : Carole Pateman. Contrat qui exclut les femmes (reléguées au domaine privée) contrat racial : Charles W. Mills

Point de départ : une anthropologie pessimiste Par nature, les êtres humains désirent la puissance, sans limites Par conséquent : l'état de nature est un état de guerre Mais : c'est un état de misère (pas de coopération, pas de progrès possible, crainte permanente) Donc : il faut absolument sortir de cette situation « [La démarche de Hobbes] consiste à déduire la nécessité du souverain de la structure des choses humaines. Hobbes y entreprend de fonder ce qu'il appelle une “science politique” [...] Au fond le projet de Hobbes est d'opérer en politique la même révolution que Galilée vient d'opérer en physique. [...] On ne lit plus dans la nature les desseins divins, mais le logos mathématique ; et l'étendue physique s'appréhende désormais géométriquement ; de même, les êtres humains [...] ne sont pas connaissables en tant que “créatures”, mais comme corps, autrement dit comme quasi-machines, [...] mus par les passions et par le désir. » Gérard Mairet, Le principe de souveraineté (ii) Une anthropologie pessimiste qui justifie l’existence d’un pouvoir souverain Selon Hobbes, les hommes ont par nature un désir de puissance, qui les conduit facilement à entrer en rivalité avec autrui, pour des biens matériels ou des biens symboliques comme la gloire, le prestige, et à se méfier des autres. Hobbes s'oppose à l'idée d'une sociabilité naturelle de l’être humain. S'il n'y a pas de pouvoir supérieur pour réguler les rapports entre individus, il ne peut y avoir d'ordre social et les individus vivent alors dans un état de guerre : l'an-archie, sur un plan vertical, comme absence de pouvoir supérieur, entraîne l'an-archie, sur un plan horizontal, comme absence d'ordre dans les relations entre individus. Cet état de guerre est un état de misère, dans la mesure où chaque individu vit dans la crainte perpétuelle et ne peut compter que sur lui-même, ce qui rend impossible toute coopération et du coup tout progrès économique et social. Mais pour sortir de cet état de guerre, on ne peut pas faire confiance à l’intelligence humaine, au bon sens. L'individu peut certes saisir rationnellement que la coopération avec les autres est dans l'intérêt bien compris de chacun ; tant que l'individu n'a pas de garantie qu'autrui va coopérer, la stratégie de la défiance semble logique et inévitable. Selon Hobbes, seule l’instauration d’un pouvoir supérieur peut imposer des limites au désir de puissance de chacun. La crainte de l’État-Léviathan vient se substituer à la crainte inter-individuelle qui empêchait toute coopération. La raison humaine suggère, indique une piste. Si les individus parvenaient à se mettre d'accord pour que chacun accepte de limiter son désir de puissance, alors il serait possible d'éviter les causes de l'état de guerre (notamment : le meurtre, la violence, le vol). Mais on ne peut pas faire confiance à l'intelligence humaine et au bon sens. L'individu peut certes saisir rationnellement que la coopération avec les autres est dans l'intérêt bien compris de chacun ; tant que l'individu n'a pas de garantie qu'autrui va coopérer, la stratégie de la défiance semble logique et inévitable. L’État doit-il rendre les citoyens meilleurs ? La démocratie est-elle la garantie de lois justes ? La politique est-elle une science ou un art ? La politique a-t-elle besoin de la morale ? La politique est-elle l’affaire de tous ?

Lois parfois vu comme un obstacle à la liberté ici : une condition de la liberté //Kant : il faut faire obstacle à ce qui fait obstacle à la liberté

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/styles/large_full/public/infographie/hierarchie-normes.png?itok=VBNBhE2A la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires (cf. le système des checks and balances dans la Constitution américaine) ; le bicamérisme : la distinction au sein du pouvoir législatif entre deux chambres (en France : l’Assemblée nationale et le Sénat) le bicéphalisme : la distinction au sein du pouvoir exécutif entre le chef de l’État et le gouvernement. le double degré de juridiction : la distinction au sein du pouvoir judiciaire entre un Tribunal de première instance et une Cour d’appel. hiérarchie des normes (cf. tableau ci-contre). Bloc de Constitutionnalité Normes internationales Lois Ordonnances Normes réglementaires (décrets, arrêtés) Jurisprudence Actes administratifs L'histoire des droits humains (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, Déclaration universelle des droits humains de 1948, ...) manifeste quant à elle l'émergence progressive d'une revendication de droits que tout État devrait garantir et respecter. Etat de droit : checklist https://www.venice.coe.int/images/SITE%20IMAGES/Publications/Rule_of_Law_Checklist_FRA.pdf