T1/Q1 – Puis-je
vraiment saisir
ce que je suis ?

Cédric Eyssette (2022-2023)
https://eyssette.github.io/

Le robot Kismet

Magritte,
La reproduction interdite (1937)

I – La conscience
de soi permet
d'accéder à ce
que je suis

Première partie

« J'avais dès longtemps remarqué […] [qu']il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait être fort incertaines […], mais, parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose […] qui fût entièrement indubitable. […]
Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée [ ] je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.
[…] [J]e connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui […]. »

Descartes, Discours de la méthode, IV

II – Le moi est
insaisissable

Deuxième partie

« Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. (…)
Pour ma part, quand je pénètre au plus intime de ce que j’appelle moi, je tombe toujours sur telle ou telle perception particulière, de chaud ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. À aucun moment je ne puis me saisir moi sans saisir une perception, ni ne puis observer autre chose que la dite perception. […] [J’]ose affirmer du reste des hommes qu’ils ne sont rien d’autre qu’un faisceau ou une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes les autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un perpétuel flux et mouvement. »

Hume, Traité de la nature humaine, I, IV, VI

Retour au texte

Pour Locke :

  1. Contre Descartes : le moi n'est pas une chose, une substance à laquelle la conscience permet d'accéder.
  2. Contre Hume : le moi n'est pas une fiction. Il n'y a pas seulement une multiplicité de perceptions.

Le moi est l'activité même de la conscience, qui rassemble en une personne un ensemble de vécus présents et passés.

Conscience : conscience morale "cas de conscience", "avoir mauvaise conscience", "avoir la conscience tranquille", "avoir un poids sur la conscience", "avoir sa conscience pour soi" capacité de juger du bien et du mal et de juger ses propres actes conscience psychologique "prendre conscience", "perdre conscience", "j'en ai bien conscience" une forme de connaissance directe présente à l'esprit Une forme de connaissance présente à l'esprit sur le moment présent conscience du monde extérieur / conscience de soi-même sous la forme de représentations mentales (conscience d'accès) / sous la forme de sensations, d'une expérience vécue, un certain ressenti subjectif intérieur (conscience phénoménale) conscience immédiate / conscience réfléchie premier ordre (conscience de X) / second ordre (conscience d'avoir conscience de X) Termes liés : "avoir une conscience politique"

La conscience semble rendre possible une connaissance directe, plus fiable que l'interprétation par les autres du comportement et des paroles d'un individu

Expérience : * cherchez un stylo dans votre trousse * cherchez votre moi intérieur Pourquoi est-ce différent ? Il y a une différence entre chercher un stylo dans une trousse et chercher son propre moi intérieur : - le moi n'est pas une chose extérieure qu'on peut localiser précisément dans l'espace (le cerveau ≠ le moi) - on n'a pas une idée préalable précise de ce qu'est le moi (pas de définition stable) - le moi n'a pas des contours précis qui permettraient de le saisir (indétermination du moi, caractère fluctuant du moi)

Comparaison avec le bouddhisme : https://josephsoleary.typepad.com/my_weblog/2012/12/hume-et-le-bouddhisme.html https://encyclo-philo.fr/bouddhisme-a#doctrnonsoi https://plato.stanford.edu/entries/buddha/#NonSel https://www.youtube.com/watch?v=XeZDt43Pij8

Chauvier, Stéphane. « La question philosophique de l’identité personnelle », Catherine Halpern éd., Identité(s). L'individu, le groupe, la société. Éditions Sciences Humaines, 2016, pp. 15-27. https://www.cairn.info/identites--9782361063283-page-15.htm Ceci suggère qu’on ne doit pas dire qu’une personne a une certaine conscience de soi, puisque la disparition de celle-ci ou le changement radical de son contenu entraîne la disparition de la personne. Il faut plutôt dire qu’une personne est une certaine conscience de soi, de sorte que si cette conscience de soi se trouvait radicalement changée, la personne le serait aussi.