« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].
Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]
Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »