T1 – Locke :
Qu'est-ce qui
constitue l'identité d'une personne ?

Cédric Eyssette (2022-2023)
https://eyssette.github.io

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].

Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]

Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

Point méthode

L'explication d'un texte doit se faire à partir du texte lui-même.
Il n'est pas nécessaire de connaître l'auteur, mais des connaissances sont nécessaires pour éclairer le sens du texte.

Point méthode

  1. Deux difficultés : éviter le contresens et surtout dépasser la paraphrase.
  2. Pour cela, il faut faire une lecture active et méthodique du texte

Point méthode

Pour expliquer un texte, il faut :

  • Être un aigle : faire une lecture globale du texte ; être capable d'avoir une vision claire du sens général du texte ;
  • Être une petite souris : faire une lecture fine du texte ; être attentif aux détails et à tout ce qu'il y a d'intéressant dans le texte.

I – Lecture globale

A. Repérer les notions importantes et le thème du texte

Point méthode

Les notions importantes se trouvent dans : les noms communs principalement, les termes récurrents, les termes techniques.
On repère les notions d'abord en parcourant rapidement le texte. On complète ensuite la liste en relisant attentivement le texte.
On regroupe les termes qui vont ensemble et on essaie de trouver l'idée commune (qui n'est parfois pas nommée dans le texte)

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].

Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]

Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

Notions du texte :

  1. Personne, soi
  2. Pensée, intelligence, raison, réflexion + [voir, entendre, sentir, toucher] => sensations, éprouver => sentiments/émotions, méditer, vouloir + conscience
  3. Identité, être soi-même (à ses propres yeux), être la même personne ≠ être différentes personnes
  4. Passé, présent, différents moments : le temps
  5. “Remonter dans le passé, “reproduire dans sa conscience le passé” : la mémoire, les souvenirs
  6. Substance (spirituelle ou matérielle, simple ou composée)
  7. Plaisir-douleur => sensations, bonheur-malheur, intérêt
  8. Droit, justice, récompense, châtiment

Point méthode

On souligne dans la liste des notions, la ou les deux notions les plus importantes afin de dégager le thème du texte.

Thème du texte :

La notion de personne

B. Formuler la question et la thèse du texte

Point méthode

  1. La question directrice doit porter sur le thème du texte.
  2. Attention : la question n'est généralement pas dans le texte, et il faut dans tous les cas la formuler par soi-même.

Question directrice :

Qu'est-ce qu'une personne ?

⚠️

On a un texte ici dont l'objectif est de définir une notion et la question directrice est de la forme “Qu'est-ce que … ?”

Mais la question directrice n'est pas toujours du type “Qu'est-ce que … ?”

Point méthode

  1. La thèse est la réponse de l'auteur à la question directrice.
  2. On la formule par soi-même : on ne recopie pas une phrase du texte.
  3. La thèse doit être précise : elle doit contenir un maximum de notions du texte.
  4. On vérifie que c'est bien l'idée centrale du texte

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].

Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]

Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

Thèse du texte

Version courte :
Une personne est un être capable d'avoir conscience de lui-même

Version plus précise :
C'est la conscience de soi qui définit ce qu'est une personne, et l'identité d'une personne, le fait qu'elle est toujours la même, repose sur le fait qu'elle a toujours conscience d'elle-même et de son propre passé à travers le temps.

C. Repérer et formuler le plan du texte

Point méthode

  1. Le plan doit être linéaire : on suit la chronologie du texte (on ne fait pas un plan thématique).
  2. On repère deux à quatre parties au maximum dans le texte.

Point méthode

Pour dégager le plan, on peut s'aider de certains indicateurs :

  1. les paragraphes, la ponctuation ;
  2. les connecteurs logiques, les mots de liaison, le vocabulaire argumentatif ;
  3. la répartition des notions importantes dans le texte.

Point méthode

  1. C'est avant tout le sens qui doit guider le repérage des parties (1 partie = 1 même idée).
  2. On utilise des accolades dans la marge et on marque dans le texte la séparation entre les parties.

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].

Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]

Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

Point méthode

On formule à la fois :

  1. – ce que fait l'auteur (but : dégager des étapes logiques dans son raisonnement)
  2. ce que dit l'auteur dans chaque partie : on fait une phrase complète (sujet / verbe / complément).

Point méthode

On vérifie :

  1. OL : L'organisation logique du plan
  2. LS : Le lien avec le sujet (le texte)

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […].

Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […]

Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

I – Locke définit ce qu'est une personne en général : être une personne, c'est avoir une conscience, et plus précisément avoir conscience de soi

II – Locke précise ce qui fait l'identité d'une personne particulière : un individu est toujours la même personne s'il est capable de se souvenir de son propre passé (l'identité personnelle repose sur la mémoire)

III – Locke souligne l'importance de la notion d'identité : chaque individu se soucie de sa propre identité et le droit et la justice reposent eux aussi sur la notion d'identité personnelle

II – Lecture fine

Point méthode

On rentre dans les détails en essayant d'abord de dégager des sous-parties.

A. Sous-parties du texte de Locke

« [Une personne est] un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même […] ; ce qu’il fait uniquement par la conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu’il me semble : car il est impossible à quelqu’un de percevoir sans percevoir aussi qu’il perçoit. Quand nous voyons, entendons, sentons par l’odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons […] : ce par quoi chacun est pour lui‑même précisément ce qu’il appelle soi […]. »

John Locke, Essai sur l'entendement humain, II, 27

Partie I :

  1. Une personne se définit par la conscience de soi
  2. Toute conscience est conscience de soi

« Mais l’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […] »

John Locke, Essai sur l'entendement humain, II, 27

Partie II :

  1. L'identité personnelle repose sur la mémoire
  2. Et sur la mémoire seulement :
    • Changement de substance, mais toujours une même mémoire => même personne
    • Même substance, mais deux mémoires séparées => deux personnes différentes

« Le soi est cette chose (peu importe la substance qui la constitue : spirituelle ou matérielle, simple ou composée) pensante, sensible (ou consciente) au plaisir et à la douleur, apte au bonheur ou au malheur et portant de ce fait intérêt à soi‑même jusqu’aux limites de sa conscience. […] Sur cette identité personnelle reposent tout le droit et la justice de la récompense et du châtiment. »

John Locke, Essai sur l'entendement humain, II, 27

Partie III :

  1. L'identité personnelle est importante pour soi-même, du point de vue de l'individu lui-même : chacun a un intérêt à sa propre identité
  2. L'identité personnelle est importante pour les autres, du point de vue institutionnel et social : le droit et la justice présupposent que chaque personne a une identité, qui reste la même

B. Compréhension précise de chaque passage

Point méthode

On avance très progressivement dans le texte, et on se focalise à chaque fois sur un passage ciblé.

Point méthode

Au brouillon, on se pose des questions en mobilisant les 3 démarches essentielles :

  1. Analyser : « Qu'est-ce que cela veut dire ? »
  2. Argumenter : « Qu'est-ce qui permet de dire cela ? »
  3. Problématiser : « Est-ce si simple ? »

Point méthode

La compréhension précise du texte repose aussi sur des connaissances :

  • Exemples concrets
  • Références théoriques (thèses et arguments d'autres auteurs pour comparer, vocabulaire philosophique précis pour mieux définir)

Qu'est-ce qui constitue l'identité d'une personne ? L'identité d'une personne, notamment à travers le temps, repose sur la conscience.

Partie 1 : Être une personne, c'est avoir une conscience Partie 2 : L'identité de la personne dans le temps repose sur la conscience de son passé Partie 3 : La notion d'identité est importante Organisation du propos : P1 : Description de ce qu'est une personne, en général P2 : Description de ce qui fait l'identité d'une personne particulière P3 : Évaluation de l'importance de la notion d'identité personnelle

C'est justement l'objet des prochains cours