Q1c –
 Que pouvons-nous
face au tragique
de l'existence ?

Cédric Eyssette (2023-2024)
https://eyssette.github.io/

  • À quoi le terme “tragique” vous fait-il penser ?
  • Que signifie l'expression : “c'est un événement tragique !” ?
  • Qu'est-ce qui est tragique ?

Point méthode

Pour analyser une notion, il faut noter au brouillon ce à quoi la notion nous fait penser (des synonymes, des expressions, des situations ou des idées associées à cette notion).

Tableau de Philippe de Champaigne, Vanité avec un crâne humain, une fleur, un sablier

  1. Philippe de Champaigne, Vanité (1644)

Tableau de Pieter Claesz, Vanité au tireur d'épine : vanité du savoir (les livres), du pouvoir (l'armure), des plaisirs (le vin, la musique, l'art)

Pieter Claesz, Vanité au tireur d'épine (1628)

Œuvre de Nicolas Rubinstein représentant Mickey en tête de mort

Nicolas Rubinstein, Sans titre
(série : Mickey is also a rat)

œuvre de Damien Hirst : For the Love of God, un crâne humain recouvert de diamant

Damien Hirst,
For the Love
of God

Œuvre de James Hopkins : des étagères avec des objets autour de la fête (lumières, sono, guitare, bières, boule de lumière) qui forment la figure d'un crâne

James Hopkins, Wasted Youth



  • Que pouvons-nous faire face à la mort et à tout ce qu'il y a de tragique de l'existence ?

🔴

Les philosophes
tragiques

Le stoïcisme d'Épictète

vs.

À première vue, le tragique, c'est ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Cependant, ………………………..
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

  1. R1 : Première réponse possible au sujet
  2. R2 : Deuxième réponse possible au sujet,
    opposée à R1

Point méthode

Dans l'introduction d'une dissertation, il faut problématiser le sujet, c'est-à-dire montrer que la question posée pose problème.

Pour cela :

  1. On commence par justifier une première réponse possible au sujet [R1] à partir d'un début d'analyse de la notion principale
  2. On montre ensuite que ce n'est pas si simple et qu'on peut penser autrement : on justifie une deuxième réponse [R2], opposée à la première

Attention :

  1. R1 et R2 doivent être justifiées
  2. R1 et R2 doivent être en tension : il doit y avoir un véritable débat
  3. Ce n'est qu'une introduction, donc pas d'auteurs, pas de vocabulaire philosophique complexe (on garde tout cela pour le développement)
  4. La formulation doit manifester un questionnement, et non pas déjà une conclusion

I - Nous ne pouvons
rien face au tragique
(les philosophes tragiques)

Première partie

A. Le tragique de l'impuissance

Point méthode

Quand on analyse une notion, c'est bien de chercher à distinguer plusieurs sens possibles de cette notion.

« Dans l'expérience amère de l'irréversible se concentre pour nous l'objectivité […] d'un temps désobéissant, pour ne pas dire indomptable, et qui échappe à notre contrôle. On ne peut s'y soustraire. […] L'objectivité du temps est sans commune mesure avec la résistance d'une matière palpable et tangible et massive qu'on peut façonner par l'effort et le travail, et sur laquelle nos outils ont des prises […]. [P]ar rapport au temps tout-puissant, la volonté elle-même apparaît impuissante […]. »

Vladimir Jankélévitch, L'irréversible et la nostalgie

Matière Temps
Résistance relative Résistance absolue
On peut agir sur
la matière.
On peut avoir une prise sur elle
Nous subissons
le temps.
Le temps a une emprise sur nous
Expression de notre puissance Expression de
notre impuissance

Représentation de la roue de la fortune

  • Que représente cette image ?

« Nul ne peut être dit heureux avant sa mort »

Adage grec attribué à Solon

« Le temps est comme un enfant qui joue »

Héraclite

B. Le tragique de l'insignifiance

« [E]n regardant l’univers muet et l’homme sans lumière, abandonné à lui-même, et comme égaré dans ce recoin de l’univers, sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s’éveillerait sans connaître où il est, et sans moyen d’en sortir »

Pascal, Pensées, L.198 - B.693

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. »

Pascal, Pensées, L.133 - B.158

« Sans examiner toutes les occupations particulières, il suffit de les comprendre sous le divertissement. »

Pascal, Pensées, L.478, B.137

Desperate Housewiwes (saison 1, épisode 23) :
Bree Van de Kamp apprend la mort de son mari

Le divertissement peut avoir pour origine un événement particulier (ex. : Bree Van de Kamp), mais pour Pascal il est plus profondément lié à la misère de la condition humaine.

La misère ici :
≠ la misère économique (ne rien avoir)

= la misère existentielle (n'être rien)

Se divertir, c'est chercher à être… … afin d'éviter
d'être …
? ?
? ?
? ?
  1. tourné vers l'extérieur
  2. angoissé par le vide de sens de notre existence
  3. dans le repos, l'inaction
  4. tourné vers soi
  5. rempli d'occupations, de choses à faire
  6. dans l'activité, l'agitation
Se divertir, c'est chercher à être… … afin d'éviter
d'être …
6 dans l'activité, l'agitation 3 dans le repos, l'inaction
1 tourné vers l'extérieur 4 tourné vers soi
5 rempli d'occupations,
de choses à faire
2 angoissé par le vide de sens de
notre existence

« [C]eux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. »

Pascal, Pensées, L.136 - B.139

« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement. Et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous et qui nous fait perdre insensiblement »

Pascal, Pensées, L.414 - B.171

II - Nous pouvons faire
face au tragique
(Le stoïcisme d'Épictète)

Deuxième partie

« Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d'autres non. »

Épictète, Manuel

Ce qui dépend
de nous
Ce qui ne dépend
pas de nous
? ?
? ?
? ?
  1. Exemples : le corps, l'argent, la réputation …
  2. Ce qui est intérieur
  3. Ce qui est totalement soumis à notre volonté
  4. Exemples : notre manière de penser, nos choix …
  5. Ce qui échappe en partie à notre volonté
  6. Ce qui est extérieur à nous
Ce qui dépend
de nous
Ce qui ne dépend
pas de nous
4 Exemples :
notre manière de penser, nos choix …
1 Exemples :
le corps, l'argent,
la réputation …
2 Ce qui est
intérieur
6 Ce qui est extérieur à nous
3 Ce qui est totalement soumis à notre volonté 5 Ce qui échappe en partie à notre volonté

A. Accepter ce qui ne dépend pas de nous

  1. Accepter le tragique ≠ se divertir
    • ⇒ il faut affronter le réel
  2. Accepter le tragique → ne pas se morfondre dans la tristesse et l'espérance
    • ⇒ il faut se focaliser sur ce qu'on peut faire
  3. Accepter ≠ se résigner
    • ⇒ accepter ce qui est là maintenant ne signifie pas qu'il faut rester dans l'inaction

B. Maîtriser ce qui dépend
de nous

« Pour tout objet qui t'attire, te sert ou te plaît, représente-toi bien ce qu'il est […] Quand tu te prépares à faire quoi que ce soit, représente-toi bien de quoi il s'agit. […] Ce qui tourmente les hommes, ce n'est pas la réalité mais les jugements qu'ils portent sur elle. […] »

Épictète, Manuel

Dessin stylisé représentant une personne qui en insulte une autre

  • Comment réagissons-nous face à une insulte ou une injure ?
  • Quelle attitude pourrait recommander Épictète ?

Affiche du film Detachment

« Henry Barthes est professeur remplaçant de littérature anglaise dans les lycées. […] Quand il arrive à son nouveau poste, il est immédiatement confronté à la violence environnante : le lycée est dans une zone difficile. Les enfants sont irrespectueux, agressifs. Henry ne s'émeut pas, il a une mission [à accomplir] » (source)

« Devant tout ce qui t'arrive, pense à rentrer en toi-même et cherche quelle faculté tu possèdes pour y faire face. […] En t'exerçant ainsi tu ne seras plus le jouet de tes représentations »

Épictète, Manuel

C. Être comme un roc face aux vagues

Affiche du film Invictus

« Invictus est un poème écrit par William Ernest Henley (1849-1903), qui témoigne de son long combat contre la douleur et la maladie. En raison d’une tuberculose osseuse déclarée à l’âge de 12 ans, Henley doit subir l’amputation de sa jambe gauche entre 1868 et 1869, puis luttera de nombreuses années pour sauver sa deuxième jambe. […] Après la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, le poème devient indissociable de Nelson Mandela. On apprend en effet que Invictus est son poème préféré, et qui l’a inspiré et soutenu dans les moments les plus noirs de ses 27 années de captivité. » (source)

Mise en pratique

Exercice d'application

  • Choisir un sujet ci-dessous :
    • Faut-il accepter le réel tel qu'il est ?
    • Le bonheur dépend-il de nous ?
    • Faut-il se divertir pour être heureux ?
    • La conscience du temps rend-elle l'existence tragique ?
    • Sommes-nous soumis au temps ?
    • La fuite du temps est-elle nécessairement un malheur ?
    • Est-il raisonnable de lutter contre le temps ?
    • La cause de nos malheurs est-elle en nous ?
    • L'oubli est-il une faiblesse ?
  • Rédiger une sous-partie de dissertation (autour de 300 mots) : ⚠️ il faut défendre une seule réponse, mobiliser le cours (les philosophes tragiques ou Épictète), et utiliser le modèle ARES

Référence au “carpe diem” = cueille le jour = saisis l'instant présent Deux sens possibles : 1. Pour l'hédonisme radical = profite de tous les plaisirs au maximum 2. Pour l'hédonisme d'Épicure = savoure le simple plaisir d'exister là maintenant

Textes : https://docs.google.com/presentation/d/1Jvs7uTexFzgP-wCuUYxRpHTqtgcASHxnYCCt9yhcRcI/edit?usp=sharing

100-150 mots

"univers muet" l'être humain est "abandonné à lui-même" Terre au centre de l'univers (géocentrisme) Univers fini et ordonné de manière harmonieuse => Pas de centre de l'univers Univers infini Divinités présentes dans la vie de la cité => Dieu transcendant, Dieu absent => sentiment d'insignifiance, voire d'absurdité

! TODO :Mettre plutôt le tableau de distinction avant l'exemple de Bree v.d.k.

Pascal reconnaît qu'il est très humain de vouloir se divertir. Il ne faut pas se croire supérieur face à ceux qui ne font que se divertir. Les demi-habiles : ceux qui critiquent le divertissement comme une forme de bêtise

Le divertissement n'est pas le bonheur, il ne fait que masquer, de manière fragile et illusoire le malheur. C'est un cache-misère

Le tragique de l'existence : fait partie de ce qui ne dépend pas de nous

Précisions sur 1 : Exercices de préparation (pas seulement affronter sur le moment) : exemple du pot en terre … Précisions sur 2 : ≠ un refus des émotions / = un refus de se laisser emporter par les émotions (cf. exemple des pleurs) ≠ une philosophie de la résignation / = une philosophie de l'action (Marc-Aurèle, Pensées VI 51 : « L'homme raisonnable juge que le bien, c'est sa propre activité »)

Prolongement avec les thérapies cognitives : agir sur les représentations pour guérir certains troubles de l'âme

“Souviens-toi que ce qui te cause du tort, ce n'est pas qu'on t'insulte ou qu'on te frappe, mais l'opinion que tu as qu'on te fait du tort. Donc, si quelqu'un t'a mis en colère, sache que c'est ton propre jugement qui est le responsable de ta colère. Essaye de ne pas céder à la violence de l'imagination: car, une fois que tu auras examiné la chose, tu seras plus facilement maître de toi.” Epictète, Manuel, XX.

Ajouter : ce qui ne dépend pas de moi / ce qui dépend de moi

“ne plus être le jouet de ses représentations“ => être maître de ses représentations ne pas être esclave de ses affects / être maître de soi, se gouverner par la raison

- “Être comme un roc face aux vagues” : qu'est-ce que cela veut dire ?