Q1a –
La morale est-elle
subjective ?

Cédric Eyssette (2023-2024)
https://eyssette.github.io/

I – 
Les jugements moraux
semblent subjectifs
(= le subjectivisme moral)

PREMIÈRE PARTIE

Un jugement moral

= un jugement de valeur

≠ un jugement de fait

Jugement de fait Jugement de valeur
? ?
? ?
? ?
  1. Répond à la question : « qu'est-ce qui est bien /
    meilleur / utile / beau ? »
  2. Se réduit à une description ou une explication du monde tel qu'il est
  3. Exprime l'engagement du sujet envers certaines valeurs
  4. Contient une évaluation
    en fonction d'une norme
    ou d'un idéal
  5. Prétend n'être qu'un constat neutre et objectif de
    la réalité
  6. Répond à la question : « qu'est-ce qui est vrai ? »
Jugement de fait Jugement de valeur
6 Répond à la question : « qu'est-ce qui
est vrai ? »
1 Répond à la question : « qu'est-ce qui est bien /
meilleur / utile / beau ? »
2 Se réduit à une description ou une explication du
monde tel qu'il est
4 Contient
une évaluation
en fonction d'une
norme ou d'un idéal
5 Prétend n'être
qu'un constat neutre
et objectif de la réalité
3 Exprime l'engagement
du sujet envers
certaines valeurs

« Le vice vous échappe totalement, tant que vous considérez l'objet. Vous ne pouvez jamais le trouver avant d'orienter la réflexion vers votre propre cœur et de constater qu'un sentiment de désapprobation s'élève en vous contre cet acte. Voilà un fait : mais il est l'affaire de l'impression et pas de la raison. Il se trouve en vous-même, non dans l'objet. »

David Hume, Traité de la nature humaine, livre III, première partie, section I

Le bien et le mal ne sont pas des propriétés objectives dont on pourrait constater l'existence dans le monde extérieur.

Un jugement moral est l'expression d'un sentiment subjectif intérieur, comme par exemple le dégoût, l'indignation, la révolte, la culpabilité …

II – 
Les jugements moraux ne se
réduisent pas à de simples
réactions subjectives
(= l'objectivisme moral)

Deuxième partie

Les jugements de valeur ne sont pas de simples jugements de préférence

Un jugement de préférence exprime un simple goût personnel.

Un jugement de valeur prétend exprimer une vérité et on peut chercher à justifier ou critiquer ce jugement.

1/ Il est possible de faire appel à certaines intuitions morales

Il semble y avoir certaines évidences morales :

  • torturer un enfant pour le plaisir est un mal
  • se soucier des autres est un bien

Ces évidences constituent des intuitions qui peuvent fournir une première approche de ce qui est moral.

Cependant :

  1. Les intuitions morales ne permettent pas de savoir ce qu'il faut faire dans toutes les situations particulières
  2. Rien ne garantit que nos intuitions morales soient pertinentes : elles sont peut-être le produit d'une idéologie, ou le fruit d'une manière de penser biaisée.

2/ Il est possible de raisonner en morale et de distinguer des bons et des mauvais raisonnements

Point méthode

Un raisonnement consiste à partir de certaines affirmations (qu'on appelle prémisses) pour en tirer une conclusion.

Point méthode

Il y a deux stratégies essentielles pour critiquer un raisonnement :

  1. “Ah bon ?” = remettre en cause la vérité d'une des prémisses
  2. “Et alors ?” = montrer que même si les prémisses sont vraies, cela ne justifie pas pour autant la conclusion
  3. Une 3e stratégie possible : “Euh... Quel est l'argument ?” = montrer qu'il y a une prémisse qui n'a pas de sens, qui est hors sujet, ou bien qui ne fait que répéter ou supposer la conclusion.

Exemples de raisonnements incorrects

Pour justifier la consommation de viande, on entend parfois ce type d'arguments :

  1. La viande, mmm... c'est super bon !
  2. Les animaux qu'on mange ne souffrent pas !
  3. On s'en fiche : ce ne sont que des animaux !
  4. On a besoin de manger de la viande !
  5. Tout le monde le fait !
  6. Les êtres humains ont toujours chassé et pêché !
  7. C'est la loi du plus fort !
  8. Chacun fait ce qu'il veut !

Mise en pratique

Exercice d'application

  • Choisir un sujet ci-dessous :
    • La morale est-elle affaire de sentiments ?
    • Peut-on s'accorder sur des vérités morales ?
    • Y a-t-il de la place pour l'idée de vérité en morale ?
    • La morale est-elle fondée sur la raison ?
    • Les valeurs morales sont-elles relatives ?
    • Y a-t-il des évidences morales ?
    • Les sentiments sont-ils un obstacle à la morale ?
  • Rédiger une sous-partie de dissertation (autour de 300 mots)
    ⚠️  il faut défendre une seule réponse, mobiliser le cours, et utiliser le modèle ARES

Ajouter un exercice de classification avec des exemples de jugements ?

Faire retenir un passage : "Le vice vous échappe totalement, tant que vous considérez l'objet"

Chez Hume, c'est en fait plus complexe que cela : https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2021-4-page-525.htm

Le dégoût ressenti face à l'idée de manger une tarentule frite ≠ le dégoût ressenti face à des actes de pédophilie

Gaebul ou “pénis de mer”

Certains philosophes défendent ainsi une forme d’intuitionnisme moral

Notion de raisonnement défaisable ; intuition _prima facie_ La souffrance est prima facie un mal

Cependant : Les intuitions morales sont générales : il peut y avoir des cas particuliers Les intuitions morales sont parfois contestables

_class: citationC ![bg left:37%](https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c7/Nicolas_Malebranche_-_Versailles_MV_2929.jpg) >« Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. » >>**Malebranche**, _De la recherche de la vérité_, Xᵉ éclaircissement

Ne pas faire souffrir autrui pour le plaisir Mais : cas du consentement à la souffrance ? Autrui : seulement les êtres humains ? Exemples : Spécisme Critique des intuitions morales par Peter Singer Formes limitées d'altruisme : seulement pour le groupe d'appartenance

_class: citationC fppp ![bg left:37%](https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c7/Nicolas_Malebranche_-_Versailles_MV_2929.jpg) >« Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent. » >>**Malebranche**, _De la recherche de la vérité_, Xᵉ éclaircissement