Q2a – La morale
repose-t-elle sur
nos sentiments, sur
notre sensibilité ?

Cédric Eyssette (2023-2024)
https://eyssette.github.io/

L'histoire du cochon Esther (Esther the Wonder Pig)

Photographie du cochon Esther

I – L'empathie
semble être
le fondement
de la morale

Première partie

« [L]a pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes [est une] vertu d’autant plus universelle et d’autant plus utile à l’homme qu’elle précède en lui l’usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en donnent quelquefois des signes sensibles. […] Tel est le pur mouvement de la nature, antérieur à toute réflexion […]. [D]e cette seule qualité découlent toutes les vertus sociales […] la générosité, la clémence, l’humanité »

Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, I

« [L]a commisération sera d’autant plus énergique que l’animal spectateur s’identifiera plus intimement avec l’animal souffrant. […] C’est la raison qui engendre l’amour-propre, et c’est la réflexion qui le fortifie ; c’est elle qui replie l’homme sur lui-même; c’est elle qui le sépare de tout ce qui le gêne et l’afflige […]. On peut impunément égorger son semblable sous sa fenêtre; [l'individu] n’a qu’à mettre ses mains sur ses oreilles et s’argumenter un peu pour empêcher la nature qui se révolte en lui de l’identifier avec celui qu’on assassine. »

Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, I

Affiche du film Moi, Daniel Blake

Dans le film de Ken Loach Moi, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, Daniel Blake, se retrouve, après un accident cardiaque, dans l'incapacité de travailler. Mais il se heurte à un système social devenu absurde qui lui réclame de chercher malgré tout un emploi. Il se lie d'amitié avec Katie, une jeune mère qui élève seule ses enfants, sans argent, sans emploi, elle aussi confrontée à des exigences administratives absurdes. Tous deux chercheront à prendre soin l'un de l'autre.

Le cas Eichmann

Photographies du procès Eichmann

En 1960, le responsable SS du transport des prisonniers juifs dans l’Allemagne nazie, Adolf Eichmann, est arrête et jugé. Lors de son procès, Eichmann se présente comme “un modeste et petit fonctionnaire”, simple “rouage” de la machine nazie. C’est donc le spécialiste de la logistique qui parle : “Je ne m’occupais que des horaires. Si un convoi ne partait pas à l’heure et au jour prévus, l’ensemble du système était démoli.” Autre morceau choisi, cette fois sur l’envoi de six convois d’enfants juifs français. “Puisqu’il s’agissait de déporter tous les juifs, il fallait bien y inclure les enfants. On a l’impression que je me suis acharné sur les enfants. En fait, cela était logique.” L’accusé parle sans aucune émotion. Il semble que ces enfants n’ont jamais troublé sa conscience.

La lettre de Willy Just

Fac-similé de la lettre de Willy Just

Extrait : « Objet : Modifications techniques à apporter aux camions spéciaux actuellement en service et à ceux qui sont en cours d’aménagement.
Depuis décembre 1941, par exemple, on en a traités 97 000 avec trois voitures dont le fonctionnement n’a révélé aucun défaut. […]
Au cours d’une discussion avec la firme chargée des aménagements, celle-ci a fait remarquer qu’un raccourcissement de la superstructure entraînerait l’inconvénient d’un déplacement du poids vers l’avant. L’axe avant risquerait ainsi d’être surchargé. En réalité, il se produit une compensation spontanée dans la répartition du poids, du fait que, lors du fonctionnement, le chargement, dans les efforts qu’il fait pour se rapprocher de la porte arrière, s’y trouve toujours pour la plus grande partie. […]
Pour permettre un nettoyage commode du véhicule, on pratiquera au milieu du plancher une ouverture permettant l’écoulement. Elle sera fermée par un couvercle étanche de vingt à trente centimètres de diamètre permettant l’écoulement des liquides fluides en cours de fonctionnement. […] »

Le génocide des Tutsis au Rwanda

photographies : machettes et crânes

Pour masquer la réalité du meurtre d'êtres humains et écarter toute attitude empathique, les Hutus ont employé à propos des Tutsis la métaphore bestiale (cancrelats, poux, rats, vermines). Le mécanisme consiste à chosifier les autres, à les déshumaniser, à ne plus les considérer comme partageant une même capacité de penser, de ressentir.
La pratique du massacre emprunte des mots à des activités diverses (la chasse, le travail, le nettoyage) pour banaliser l'atrocité et la faire disparaître derrière des notions positives comme la solidarité des chasseurs à la poursuite d'un gibier, le travail agricole de débroussaillage des collines, ou encore la notion de propreté lorsqu'il s'agit de « nettoyer un secteur ».

II – Les limites de l'empathie

Deuxième partie

Plutôt qu'une morale fondée sur le sentiment (= le sentimentalisme moral), ne faut-il pas alors une morale fondée sur la raison (= le rationalisme moral) ?

Mise en pratique

Exercice d'application

  • Choisir un sujet ci-dessous :
    • Le bien et le mal sont-ils des conventions ?
    • Peut-on s'accorder sur des vérités morales?
    • La morale s'apprend-elle ?
    • Faut-il se fier à ses sentiments pour agir moralement ?
    • N’est-on moral que par intérêt ?
    • La culture est-elle un obstacle à la barbarie ?
    • La technique peut-elle transformer la morale ?
    • La connaissance d'autrui est-elle possible ?
  • Rédiger une sous-partie de dissertation (autour de 300 mots)
    ⚠️  il faut défendre une seule réponse, mobiliser le cours, et utiliser le modèle ARES

Ancien schéma sur la piété : ![schéma sur la pitié selon Rousseau](https://raw.githubusercontent.com/eyssette/graphviz-examples/master/diagram/pitie-selon-Rousseau.svg) Ancien schéma sur le care : ![Schéma sur la notion de care](https://raw.githubusercontent.com/eyssette/graphviz-examples/master/diagram/care.svg)