Q1b –
L'identité personnelle
repose-t-elle sur
la mémoire ?

Cédric Eyssette (2023-2024)
https://eyssette.github.io/

I – 
La conception
mémorielle
de l'identité

Première partie

Différents types de mémoire

  1. Mémoire de travail
  2. Mémoire sensorielle et mémoire perceptive
  3. Mémoire sémantique
  4. Mémoire procédurale
  5. Mémoire épisodique

« [L]’identité personnelle […] s’étend aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés […]. [P]uisque c’est la même conscience qui fait qu’un homme est lui-même à ses propres yeux, l’identité personnelle dépend de cette conscience seule, qu’elle soit rattachée à une seule substance individuelle, ou qu’elle se préserve à travers la succession de substances diverses. Car, dans la mesure où un être intelligent peut reproduire l’idée de n’importe quelle action passée avec la même conscience qu’il en avait à l’époque et y ajouter la même conscience qu’il a de n’importe quelle action présente, dans cette mesure il est le même soi personnel. […] [Et] s’il était possible que la même personne ait à différents moments des consciences distinctes et incommunicables, le même homme constituerait sans doute différentes personnes à différents moments. […] »

John Locke, Essai sur l'entendement humain, II, 27

Locke affirme que l'identité personnelle ne repose pas sur la permanence d'une substance (physique, matérielle : le corps ou psychique : l'âme).

Ce qui fait que je suis la même personne, ce n'est pas qu'il y a quelque chose en moi qui reste identique

Locke imagine deux scénarios fictifs.

1/ Le prince et le savetier

= le transfert de la conscience d'un individu (le prince) dans le corps d'un autre (le savetier).
→ la personne qui se réveille, c'est le prince.

2/ L'homme du jour et l'homme de la nuit

= 2 consciences dans un même corps, qui ne communiquent pas entre elles.
→ Même si c'est le même corps, il y a deux personnes (autre cas : l'amnésie totale).

⇒ Ce n'est pas la permanence du corps qui fait l'identité, mais la conscience.

Un problème : l'objection du brave officier, de Thomas Reid.

Cas similaire : la photo de soi à 2 ans (aucun souvenir de cette période).

Une solution : la continuité psychique (l'existence d'une chaîne de relations) plutôt que l'existence d'une connexion mémorielle directe.

II – 
Les limites de
la conception
mémorielle

Deuxième partie

A. La conscience
de soi ne se réduit pas à la mémoire

Trois formes de conscience de soi (une distinction de Damasio) :

  1. la conscience de son corps (le proto‑soi) ;
  2. la conscience d'être la source de ses pensées et de ses actes (le soi central) ;
  3. la conscience de sa vie passée, de son identité présente, de ses désirs pour le futur (le soi autobiographique).

Le Soi autobiographique lui-même ne semble pas seulement reposer sur la mémoire.

Il intègre d'autres formes de connexions psychiques : notamment tout ce qui relève de notre caractère, de nos manières de réagir, de nos projets, de nos valeurs.

B. La mémoire ne produit-elle pas une illusion sur soi ?

La mémoire peut produire des faux-souvenirs.

Par conséquent, suis-je vraiment la personne que je crois être ?

Mind Field (Ep 8): Do You Know Yourself?

La mémoire est sélective.
– elle est partielle (je ne retiens pas tout)
– elle est partiale (je ne retiens que ce qui m'arrange)

La mémoire semble participer à la construction d'une image de soi ≠ représentation fidèle de la réalité

Exemple : construction d'une image de soi sur les réseaux sociaux (Instagram)

Plus précisément, la notion d'identité est en partie narrative : elle repose sur un récit que l'on fait à propos de soi, et ce récit n'est pas une garantie de vérité.

Notre identité réelle ne correspond pas toujours à la conscience que nous en avons.

Ce que nous sommes véritablement nous échappe en partie.

1/ conscience de son corps proprioception cas : membre-fantôme, O. Sacks : “la femme désincarnée”, “l'homme qui tombait de son lit”, “fantômes“. Animaux : test de Gallup cas : les athlètes (escalade) Locke ne parle pas du tout de cet aspect-là de la conscience de soi Locke laisse de côté la dimension corporelle de la conscience de soi. How the Body Shapes the Mind Shaun Gallagher "a primary, embodied sense of self" 2/ conscience d'être la source de ses pensées et de ses actes cf. cours sur le libre arbitre Cas : schizophrénie ; hallucinations / trouble de l'agentivité (sentiment d'être agi, d'être comme une marionnette) le syndrome de la main étrangère => semble correspondre à ce que dit Locke dans le 1er paragraphe 3/ soi autobiographique => semble correspondre au 2e paragraphe

Progression dans la connaissance de soi possible : grâce à autrui ? quête de soi ?

L'identité réelle déborde la conscience que nous en avons. On ne peut pas assimiler l'identité à la conscience. Ce que nous sommes véritablement échappe en partie à notre conscience. Question de la vérité, place du témoignage d'autrui ; récit de soi (identité narrative), image de soi : illusions sur soi Exemples dans la science-fiction : faux souvenirs Faut-il rejeter jusqu'à la notion même d'identité ? Science-fiction / Westworld, Blade Runner, Dark City … Shutter Island Conscience de soi : partielle et partiale. Ne pouvons-nous pas apprendre des autres des vérités sur nous-mêmes ?