« [L]a définition de la liberté à laquelle j’aboutis est celle d’une liberté relative : cela n’a pas de sens de dire que la volonté est absolument libre. Une forme d’action peut être dite plus libre qu’une autre, dans la mesure où elle a été sélectionnée dans un répertoire plus vaste […] [I]l faut [que l'individu] acquière toutes sortes de connaissances à la fois théoriques et pratiques pour commencer à se représenter des possibilités d’action, et pour les mettre en œuvre. […] Pour développer la liberté relative des agents, il faut accroître leurs capacités réflexives […]. La responsabilité commence […] avec une forme de conscience de soi […]. Cette forme de conscience, qui normalement devrait émerger en cours de scolarité, peut malheureusement échouer à le faire quand les conditions sociales et politiques ne sont pas favorables à l’apprentissage, ni, par conséquent, au développement des capacités autocritiques des apprenants. […] On peut bien sûr se modifier soi-même, du fait qu’on peut, comme dit Frankfurt, vouloir vouloir, c’est-à-dire devenir sensible aux valeurs dont on souhaite qu’elles régissent sa vie et ses choix. Mais il peut être nécessaire, pour cela, de faire appel à d’autres agents. Le cerveau est construit socialement : par l’école, par toutes sortes d’outils cognitifs externes, par la famille, par les associations, par les motivations les plus saillantes que transmet l’environnement. »
Joëlle Proust, « Entretien avec Joëlle Proust » (lien)