À quoi bon suivre les conseils méthodologiques de ses enseignants ? Certes, mais quand on veut exceller dans le ratage de dissertation, il y a tout de même quelques principes à suivre !
Sources d’inspiration
Ce petit texte parodique s’inspire de deux sources :
- David Hénaux, « Comment rater une dissertation ? » [en S.E.S.] (lien)
- James Lenman, « More advice to students: How to write a #$%* essay » (lien)
J’ai écrit ce texte il y a déjà quelques années, je l’ai fait surtout pour m’amuser… Je ne pense pas qu’on puisse en faire un très bon usage pédagogique. L’intention n’est bien sûr pas de se moquer des élèves, mais de dégager des travers méthodologiques que l’on rencontre finalement assez fréquemment dans les copies.
Le travail de préparation au brouillon
– Rater l’analyse du sujet
Pour bien rater sa dissertation, il est absolument essentiel de ne pas chercher à analyser le sujet. Faites directement un plan, ou mieux : écrivez directement votre devoir.
Si vraiment vous n’arrivez pas à suivre cette stratégie, écrivez simplement quelques synonymes bien clinquants des mots du devoir. Par exemple : « le bonheur c’est quand on est heureux », ou bien « la liberté c’est être libre ». Effet garanti sur le correcteur !
Ne cherchez surtout pas à distinguer plusieurs sens des termes du sujet. Profitez de ces belles généralités vagues qui sonnent si bien et avec lesquelles tout le monde est d’accord (ou presque) !
Ne tombez pas dans le piège classique qui consisterait à vouloir définir les notions : on sait bien sûr de quoi on parle ! À quoi bon perdre du temps à se poser une question … à propos d’une question !!!! Franchement, ce serait ridicule ! D’ailleurs vous êtes déjà en train de répondre, vous faites bien.
– Rater la problématisation du sujet
Pourquoi vouloir chercher un problème ??? La vie est quand même plus belle quand il n’y a pas de problème, et vous n’avez pas tellement envie de vous empêtrer dans des questions sans intérêt. Déjà qu’il faut rester au moins 1 heure (ce sera amplement suffisant)…… Quelle contrainte !!
Bon, il va bien falloir faire passer le temps (que c’est long … !). Commencez à faire quelques dessins sur votre brouillon, regardez vos voisins, oh il y a du bruit dehors !
– Rater le plan
Si vous avez suivi la stratégie la plus efficace, vous en êtes probablement déjà à cette étape cruciale où on va s’amuser à mettre des idées les unes à côté les unes des autres (et on appellera ça “plan”). Êtes-vous encore plus audacieux ou audacieuse ? Foncez tête baissée dans la rédaction. La philo, c’est de l’inspiration pure !
Pour les moins à l’aise avec cette étape, il y a des solutions fiables, testées par des générations entières d’élèves :
- Le plan « I – Oui. II – Non »… : ça vous tente ? N’hésitez pas !
- Le plan « I – Le bonheur. II – La liberté » : il y a des variantes pas faciles à trouver selon le sujet.
De manière générale, adoptez le principe suivant : évitez absolument de répondre au sujet dans chaque partie. Parlez d’autre chose.
Surtout pas de transitions, ça gâcherait la fulgurance de la pensée : il faut que ça soit un peu fou ! La philosophie c’est pas un raisonnement rigoureux, ça se saurait quand même.
La rédaction du devoir
Vous avez peut-être perdu votre temps à suivre les étapes précédents, alors que vous auriez pu tout simplement déjà … rédiger la dissertation !!!! Dépêchez-vous ! Il ne faudrait pas avoir à rester plus d’une heure sur place.
N’oubliez pas d’écrire au fil de la plume, sans vraiment réfléchir à ce que vous écrivez : vite, vite vite ! Écrivez tout d’un bloc, sans jamais sauter de ligne ou faire des paragraphes ! Il faut que l’ensemble donne l’impression de quelque chose de très compact et confus : la philosophie c’est pas clair !
L’orthographe, la syntaxe importent peu : ce n’est pas parce qu’il manque un “s” ou un accent qu’on ne va pas vous comprendre !
Ne posez jamais de question. Il faut être efficace : alignez simplement vos idées les unes à la suite des autres. Mettez des mots de liaison au hasard : un “donc” par ci, un “mais” par là, un autre “donc”, sans trop vous soucier des liens logiques entre les idées.
Ne cherchez pas à être clair ou à être simple dans votre formulation : la philo c’est compliqué, écrivez compliqué. Et si le prof ne peut pas suivre votre raisonnement, c’est qu’il ne doit pas être très futé.
– Rater l’introduction
Commencez par “De tous temps les hommes se sont posés cette question très importante”, placez quelques autres belles généralités. Évitez toute analyse du sujet. Restez-en à quelques synonymes bien choisis (« la liberté, c’est être libre », vous vous souvenez !). Ne dégagez surtout pas le problème que pose le sujet, allez directement au plan : « Dans la première partie, on verra que oui, puis on verra que non, et on fera une conclusion ». C’est clair et net comme ça !
– Rater le développement
Pourquoi appeler cette étape un “développement” ? Deux-trois pages suffiront amplement. Ne cherchez surtout pas à être précis. N’essayez pas de construire un raisonnement avec des arguments, des réponses aux objections : il faut simplement donner votre opinion personnelle et quelques exemples. On verra bien que vous avez raison !
N’utilisez pas de vocabulaire précis, de définitions, de “distinctions conceptuelles”. Ils cherchent vraiment à tout compliquer ces philosophes, alors que c’est si simple…
Ne vous appuyez pas sur des références philosophiques. C’est votre copie, c’est votre opinion, pourquoi aller chercher des références pour approfondir sa réflexion ?
Si vous avez construit un plan au brouillon (erreur de débutant·e…), essayez de ne pas trop le suivre pour laisser place à votre inspiration. N’essayez pas de bien faire le lien avec le sujet, et de montrer comment vous répondez à la question posée, le professeur trouvera bien le lien ! N’oubliez pas de négliger les transitions, elles sont inutiles : mettez juste “Puis”, et enchaînez.
– Rater la conclusion
Vous venez de passer déjà au moins 1h sur votre devoir de philo, à quoi bon chercher à faire une synthèse de ce que vous avez écrit. Si le prof n’a pas compris où vous voulez en venir, c’est son problème !
Ne répondez surtout pas à la question posée. Écrivez plutôt : “Finalement, ça dépend de chacun, tout est relatif”, ou bien “La question est très difficile et on ne peut pas y répondre”, ou encore “Il faut un juste milieu”.
C’est assez sympa de finir par un lieu commun plein de bon sens ou, mieux, par une ouverture fulgurante vers n’importe quelle question qui vous vient à l’esprit.
Vous avez réussi ? Bravo ! Ne vous relisez pas, sortez triomphalement de la salle !
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