Question 2 – La parole doit-elle nécessairement ne pas être violente ?

Mise en situation

Visionnage de 3 extraits :

  1. Billy Elliot
  2. 120 Battements par minute
  3. Débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy

Faut-il toujours éviter de se mettre en colère ? Faut-il toujours garder son calme ?

Mise en forme

Le stoïcisme

Sénèque sur la colère (texte)

Structure du texte :

  1. Définition de la colère (§1-2) : la colère est contraire à la raison, c'est « une courte folie »
  2. L'irrationalité de la colère se manifeste :
    • dans le corps (§3-7) : un corps altéré, modifié / un corps sauvage, animale
    • dans ses conséquences, par ses effets destructeurs (§8-10) : au niveau individuel / au niveau social
    • dans son principe même (§11-12) : notre nature raisonnable nous fait rechercher la vie en société et la coopération ; au contraire, ce qui anime la colère, c'est le désir de nuire aux autres et elle nous conduit à nous séparer des autres
  3. Réfutation d'une objection (§13 - fin)
    • On pourrait penser que la colère donne le courage d'agir
    • mais si on se laisse aller à la colère, on ne pourra pas la contrôler
    • par conséquent : il ne faut pas se mettre en colère

Extrait du film Detachment

La colère épique

  • Homère, L'Iliade, chant I (texte)
  • Analyse de la colère d'Achille par Claire-Françoise de Roguin (texte)

La colère épique fait sortir l'humain de la juste mesure des choses :

  • elle mène à la bestialité, à la barbarie
  • elle conduit à 1 cycle de vengeances qui ne semble pas pouvoir trouver de fin : elle est sans limites

La colère épique est liée à un code d'honneur, donc à des questions de statut, de reconnaissance. L'honneur est un principe structurant dans les sociétés qui reposent sur des hiérarchies instituées et stables. Dans ces sociétés, il y a une logique de différenciation sociale par le statut associé à un groupe social. Les normes culturelles de l'honneur sont propres à une société, à une époque (pour Achille, il est question de la répartition d'un butin et de la possession d'esclaves)

Dans les sociétés modernes, il y a un processus de démocratisation de la société (cf. Tocqueville : la démocratie n'est pas un simple système politique). Dans ces sociétés, le principe structurant est un principe d'égalité entre les êtres humains, qui conduit à valoriser la dignité de chaque personne, plutôt que l'honneur lié à un statut.

Aristote et la colère juste

  • Analyse d'Olivier Renaut (texte)

La colère se distingue de la haine

  • la haine vise la suppression, la négation de l'autre
  • la colère vise la reconnaissance par l'autre d'un problème moral et la recherche d'une solution pour dépasser, ensemble, ce problème

La colère n'est pas une simple émotion

  • Dans la colère, il y a un jugement
  • Ce jugement peut être évalué rationnellement :
    • Y a-t-il vraiment un objet de la colère ?
    • La situation est-elle vraiment un problème moral ?
    • La réaction de colère est-elle proportionnelle à la gravité du problème moral

La colère est donc parfois légitime, voire nécessaire

  • La colère est juste si elle est mesurée, c'est-à-dire proportionnée à l'existence d'un problème moral et à la gravité de ce problème => une question de circonstances qu'il faut évaluer
  • Dans certains cas la colère est une vertu. Pour Aristote, toute vertu est un juste milieu entre deux excès, ici :
    • un excès de calme ; absence de réaction : impassibilité, inaction
    • un excès de violence : irritabilité, irascibilité, voire haine

Une approche contemporaine : le tone policing

= une stratégie de détournement pour ne pas parler du contenu : on critique le ton adopté et la personne (son "ethos", son caractère), au lieu de discuter du contenu, au nom de certaines valeurs : la civilité, le calme.

Quelques problèmes du tone policing :

  • L'appel au calme dans une situation de tension a tendance à créer davantage d'animosité (donc ne permet pas d'obtenir le prétendu calme que l'on recherche)
  • L'appel au calme suppose que les émotions n'ont pas de rôle à jouer dans une discussion et qu'elles empêchent de trouver une solution, alors que :
    • on ne peut pas laisser les émotions de côté quand le débat porte sur des questions de justice ou de morale
    • une discussion n'est pas nécessairement la recherche d'une solution, mais peut aussi avoir pour but de faire prendre conscience qu'il y a un problème et de partager avec d'autres une situation vécue
  • L'appel au calme suppose qu'il faut éviter le conflit dans un débat, mais le conflit n'est-il pas nécessaire pour faire entendre certaines idées ?

Le problème principal du tone policing :

  • c'est une attitude de domination où une personne cherche à prendre une position de de supériorité et à réduire au silence ("silencing") le point de vue critique d'une personne
  • c'est une attaque contre une personne, qui repose souvent sur des préjugés sexistes, classistes, ethnocentriques, ou racistes.