Question 3 – La parole est-elle libératrice ?
Mise en situation
3 extraits :
- Deux jours, une nuit
- Ressources humaines
- En thérapie
- De quoi la parole peut-elle nous libérer ?
- Est-ce facile ?
Mise en forme
Textes :
- Hannah Arendt sur le pardon et la promesse
- Analyse sociologique de la honte
- Freud sur la parole
L'aveu et le pardon
L'aveu
Une forme de reconnaissance
L'aveu consiste à reconnaître la vérité sur ses actes, en particulier lorsqu'ils ont causé du tort à autrui.
Il implique :
- une reconnaissance factuelle de sa responsabilité : assumer que l'on est à l'origine d'un acte.
- une reconnaissance normative du mal causé : admettre que cet acte a eu des conséquences négatives sur une autre personne.
L'aveu conduit alors à un jugement moral sur soi : on exprime un remords, mais en faisant cela, on ne reste pas dans la solitude de la mauvaise conscience, qui peut ronger l'individu de l'intérieur.
L'aveu comme libération
L'aveu peut être libérateur :
- Pour l'individu qui avoue
- On se libère du poids de sa conscience : ne plus porter seul un secret ou une faute soulage psychologiquement.
- On se libère de l'image figée de la personne qu'on a été : l'aveu rend possible une conversion, il ouvre la possibilité de se transformer, de devenir quelqu'un de différent. C'est une affirmation de la liberté humaine contre tout destin qui rendrait l'individu prisonnier de lui-même.
- Pour la victime L'aveu rend possible le pardon :
- Sans aveu, la victime reste souvent enfermée dans un passé douloureux qui continue de peser.
- Avec un aveu, il devient possible de passer d'un passé qui ne passe pas (et qu'on ressasse sans cesse) à un passé qu'on peut dépasser et surmonter.
Aveu, pardon et promesse
H. Arendt permet de prolonger cette analyse : le pardon (que permet l'aveu) est une lutte contre l'irréversibilité du passé. Certes, on ne peut revenir dans le passé, le modifier, mais on peut choisir de le dépasser, de ne plus être dans le ressassement permanent, de passer d'un passé qui ne passe pas à un passé dépassé.
Si la promesse est une lutte contre l'imprévisibilité du passé, alors l'aveu est aussi une forme de promesse dans la mesure où il implique un engagement à être autrement.
La honte sociale
On peut faire une analyse sociologique de la honte
La honte sociale ne se réduit pas à un sentiment passager lié à une erreur ou à un acte précis. Elle peut être l'intériorisation d'un mépris social :
- L'individu ne se sent pas seulement honteux de ce qu'il a fait, mais de ce qu'il est, en raison de son identité sociale.
- Ce mépris repose sur des représentations sociales stigmatisantes : clichés, préjugés, stéréotypes qui dévalorisent certains groupes.
- Ces représentations sont une forme de violence symbolique qui impose les normes d'un groupe dominant à un groupe dominé et infériorise les membres de ce groupe
La parole peut aider à se libérer de cette honte sociale
La parole peut aider à se libérer de la honte sociale de plusieurs façons :
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Par la déconstruction des préjugés En exprimant et en analysant les stéréotypes, il devient possible de les critiquer et de montrer qu'ils ne reposent pas sur des faits, mais sur des idées reçues. Cela fragilise le pouvoir des représentations négatives.
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Par la reconnaissance symbolique Au lieu d'inférioriser par des paroles stigmatisantes, la parole peut chercher à valoriser les individus et valoriser l'intercompréhension.
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Par le retournement du stigmate La parole peut servir à transformer un terme à l'origine insultant (p.ex. : "queer") en symbole de fierté et d'affirmation de son identité.
Parole et thérapie
La thérapie psychanalytique selon Freud
La psychanalyse n'est pas une médecine du corps, mais une médecine de l'âme. Elle repose sur l'écoute de la parole :
- Idée centrale : les mots peuvent soulager les maux.
- Parler permet de mettre en lumière des souffrances ou des blocages psychiques enfouis, et d'alléger leur poids.
Ce n'est pas une pratique magique :
- C'est un processus long, qui demande du temps et de la patience.
- C'est une exploration en profondeur de soi, pour comprendre les racines de ses troubles.
- Elle prétend se fonder sur une théorie scientifique de l'esprit humain.
Une théorie de l'esprit humain
Idée centrale : l'hypothèse de l'inconscient psychique
Freud propose que notre esprit ne se limite pas à ce qui est conscient. Sous la surface, il y a un inconscient psychique : « Le moi n'est pas maître en sa propre maison. » (image de l'iceberg)
Cette idée prétend s'inscrire dans la lignée des grandes révolutions scientifiques :
- Copernic et Galilée, pour la physique : la Terre n'est pas au centre de l'univers.
- Darwin, pour la biologie : l'être humain n'est pas le centre de la vie sur Terre
- Freud, pour la psychologie : la conscience n'est pas le centre du psychisme de l'être humain.
Ce qui constitue l'inconscient psychique
- Des événements refoulés : expériences ou souvenirs que l'on a chassés de la conscience.
- Des pulsions inconscientes :
- Le Ça est le réservoir de ces pulsions.
- Le Surmoi est l'instance qui refoule certaines pulsions, en raison à l'intériorisation des normes sociales, culturelles et d'un idéal psychique du moi.
- Une structuration psychique héritée de l'enfance : qui peut enfermer l'individu dans des schémas répétitifs et douloureux
Le rôle de la parole dans le processus thérapeutique
Dans la psychanalyse, la parole joue un rôle central :
- elle permet de faire émerger à la conscience ce qui était refoulé. Elle donne forme à des pensées ou des émotions confuses, leur permettant d'être comprises.
- En mettant des mots sur ses expériences, le patient peut se libérer de certains schémas psychiques inconscients et ne pas rester prisonnier de lui-même et de son passé.
Une théorie discutée, mais un héritage important
La psychanalyse a été critiquée et remise en question, mais elle a laissé une idée essentielle :
- L'importance d'écouter la parole en thérapie.
- La reconnaissance de schémas psychiques inconscients qui influencent notre vie, même si la place exacte de la parole dans leur dépassement est aujourd'hui discutée.