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Introduction
Diaporama
Documents distribués
Semestre 1 : Les pouvoirs de la parole
La parole
Distinction : langage, langue, parole
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- Le langage
- Faculté de faire usage de signes pour communiquer une pensée
- Une langue
- Un système particulier de signes propre à une communauté linguistique
- La parole
- L'usage concret qui est fait d'une langue dans un contexte particulier
Les langues des signes
On peut mieux comprendre la distinction entre langage, langue et parole en s'intéressant aux langues des signes.
La distinction langue / langage
Tout d'abord, on ne dit pas “langage des signes”, mais “langue des signes”. Pourquoi ?
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- Une langue est constituée par un ensemble de règles précises (une syntaxe, une grammaire) et par un vocabulaire (un lexique). Or les différentes langues des signes ont justement une grammaire et un lexique spécifiques.
- On ne dit pas quand on apprend l'italien qu'on apprend “un nouveau langage”. "'Parler de “langage des signes” ce serait mettre à part ces langues et ne pas reconnaître leur statut équivalent de langue à part entière.
- Le terme de “langage” désigne un concept plus général qui désigne la faculté de communiquer une pensée à travers des signes, mais ces signes peuvent être plus ou moins complexes et codifiés, alors qu'une langue est toujours un système complexe de signes qui nécessite l'apprentissage d'un code linguistique particulier. Donc, parler de “langage des signes” ce serait ne pas reconnaître la complexité des langues des signes.
- Une langue se rapporte à une communauté linguistique, voire à une culture, ce qui est le cas pour les “langues des signes” (on parle d'ailleurs en ce sens de “culture sourde”).
La notion de parole
Le terme de “parole” évoque souvent l'usage de la voix, l'oralité par rapport à l'écriture. Cependant, on peut très bien “parler en langue des signes”, ce qui permet de comprendre que la parole n'est pas essentiellement l'usage de la voix, mais plus généralement l'usage d'une langue.
Pour approfondir
Un épisode du podcast “Parler comme jamais” : Quand la langue fait signes Un épisode du podcast “Programme B” : La langue des signes ne se tait plus
Les pouvoirs de la parole
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On peut comprendre le "de" de deux manières :
- Soit au sens du génitif objectif : on s'interroge sur le pouvoir de parler et ses différentes formes (parler de soi, parler des autres et du monde)
- Soit au sens du génitif subjectif : on s'interroge sur la parole comme pouvoir et sur les effets qu'elle peut avoir sur les autres (dimension principalement politique de la parole, essentiellement dans le contexte des démocraties)
Trois axes dans le programme :
- L'art de la parole
- L'autorité de la parole
- Les séductions de la parole
Ces trois axes seront travaillés dans chaque séquence.
Plan de ce semestre
Séquence 1 : Parler de soi
Axes principaux
- L'art de la parole
- L'autorité de la parole
L'autorité de la parole
- Sens ordinaire de la notion d'autorité
- = un pouvoir de faire faire quelque chose sans avoir à utiliser la contrainte
Dans cette séquence, on ne va pas s'intéresser à ce sens ordinaire de la notion d'autorité, on va interroger ce qu'on appelle “l'autorité de la première personne”
- L'autorité de la première personne
- C'est l'idée que c'est la personne qui parle qui est la mieux placée pour savoir qui elle est et pour savoir le sens de ce qu'elle fait et ce qu'elle dit.
La parole est le véhicule d'une forme d'autorité de la première personne : quand une personne parle d'elle-même, il semble légitime par défaut de considérer que ce qu'elle dit est vrai, à moins d'avoir des raisons fortes d'en douter.
On peut ainsi s'interroger sur ce que nous apprend la parole d'autrui quand une personne parle d'elle-même (quelles vérités peut-elle nous faire comprendre ?) et sur les difficultés à accéder à une vérité sur soi et à la dire.
L'art de la parole
Il s'agit ici de s'interroger sur les différentes manières dont on peut parler de soi :
- Les formes non explicites, non intentionnelles :
- Toute parole semble révéler une part de l'identité de la personne qui parle
- Les formes intentionnelles :
- Exprimer ses sentiments
- Témoigner
Contenu de cette séquence
Chapitre 1 : La parole révélatrice et constitutive de notre identité
Même si on ne cherche pas à parler explicitement de soi de manière intentionnelle, la parole révèle certains aspects de notre identité.
Trois sens de la notion d'identité
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Trois sens de la notion d'identité :
- L'identité humaine
- l'identité sociale
- l'identité personnelle
Point méthode : construction d'un paragraphe argumentatif
Pour rédiger un paragraphe argumentatif, on peut suivre le modèle ARES :
- A : On formule son Argument à partir de l'Analyse des notions
- R : On utilise une Référence théorique (auteur·e, courant de pensée, vocabulaire philosophique précis) pour approfondir son idée
- E : On montre la pertinence concrète de cette idée, à l'aide d'un Exemple
- S : On fait une Synthèse de son argument et on formule une réponse explicite à la question posée
Contenu de ce chapitre
Question 1 – Pourquoi parler est-il si important pour les êtres humains ?
Mise en situation
Radicalisation de la question : Pourquoi avons-nous besoin de parler ? Travail par groupes de 4 pour essayer de répondre à cette question.
Les réponses sont notées au tableau. Exercice de regroupement de ces réponses en 2 ou 3 catégories
Mise en forme
Trois grandes réponses sont distinguées :
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Nous avons besoin de parler :
- Pour penser : la parole permet l'expression de la pensée et plus généralement de notre intériorité
- Pour vivre en société : la parole permet la communication avec les autres et elle est au fondement des sociétés et des cultures
- Pour exister : la parole est un besoin existentiel : à travers la parole nous affirmons notre existence en tant que personne et notre désir de reconnaissance par les autres.
Exercices
-
Classer une série de textes : quels sont les textes qui expriment l'importance de la parole pour penser, pour vivre en société, pour affirmer son existence ?
- Textes à classer (les textes avaient été préalablement découpées pour être mélangés)
-
Dans le texte d'Isocrate, retrouvez les trois dimensions de l'importance de la parole : parler pour penser, parler pour vivre en société, parler pour affirmer son existence
Question 2 – Comment la parole nous situe-t-elle socialement ?
Mise en situation
Travail par groupes autour de 2 questions :
- Trouver un maximum d’expressions pour dire “aller aux toilettes”. Qui dit ça ? Dans quel contexte ?
- Quels sont les mots ou expressions que vous utilisez (avec vos amis, votre famille, …) et que d’autres personnes ne comprendraient pas (ou pas immédiatement) ?
Mise en forme
Première approche de la sociolinguistique
- Définition de la sociolinguistique
- La sociolinguistique est l’étude de la langue du point de vue sociologique. Elle s’intéresse aux variations dans l’usage d’une langue en fonction du contexte social.
Travail sur un texte à propos de la sociolinguistique.
- Pourquoi la langue n’est-elle pas un simple instrument de communication ?
- La langue n’est pas un outil qu’on utilise à un moment. Elle fait partie du quotidien. Nous baignons dans du langage
- La langue n’est pas un objet extérieur, elle fait partie de notre identité, de notre intériorité (parfois nous jouons un rôle social et nous adoptons une manière de parler qui n’est pas vraiment la nôtre, nous sommes alors un peu extérieur à la manière dont nous parlons)
- La langue n’est pas neutre. Elle exprime des valeurs et notre manière de parler est jugée par les autres. Exemple de la discrimination par l’accent. Cela peut conduire à une situation d’insécurité linguistique
- Quelle est la position de Bourdieu sur le langage ?
- Bourdieu affirme que la langue ne peut pas être comprise de manière abstraite. C’est avant tout une pratique sociale
- À travers la langue, la structure sociale est présente. Un échange linguistique est aussi un rapport de forces symbolique et on peut l’analyser comme un échange économique : les discours sont évalués.
Carte mentale sur la notion de variations linguistiques
Deux fondateurs de la sociolinguistique : Labov et Bernstein
Exercice
- Analyse d'un extrait du documentaire Baisemain et Mocassins : lien
- Qu'est-ce qui dans la parole de cet adolescent révèle son appartenance à une classe sociale particulière ?
Question 3 – La parole exprime-t-elle mon identité ?
Mise en situation
Discussion en groupes autour de 6 questions :
- Avez-vous un tatouage ou connaissez-vous quelqu'un qui a un tatouage ? Quelle est la signification de ce tatouage ? En quel sens un tatouage exprime-t-il l'identité de la personne ?
- Votre prénom a-t-il une signification particulière ? Avez-vous un ou des surnoms ? De manière générale, dans quelle mesure un prénom ou un surnom manifestent-ils l'identité d'une personne ?
- Dans quelles situations une personne peut-elle être amenée à utiliser un pseudonyme ? Pour quelles raisons ? Le pseudonyme dit-il quelque chose de nous ?
- a/ Avez-vous créé un profil sur un réseau social ? Votre profil et vos publications sont-ils l'expression fidèle de qui vous êtes ?
b/ Suivez-vous une personne publique sur un réseau social ? Quelle image cette personne donne-t-elle d'elle-même ? - Avez-vous déjà rédigé un CV, une lettre de motivation ? Quand on se présente pour un emploi, la manière dont on parle de soi est-elle un mensonge ?
- a/ Peut-on deviner l'identité politique d'une personne ? Dans quelle mesure la manière de parler d'une personne révèle-t-elle ses positions politiques ?
b/ Dans un discours politique, la personne qui parle doit-elle donner une certaine image d'elle-même ?
Mise en forme
La notion d'ethos
Lecture d'un texte de Ruth Amossy sur la notion d'ethos chez Aristote et Goffman
- Qu'est-ce que l'ethos selon Aristote ?
- Qu'est-ce que l'ethos selon Goffman ?
Tableau récapitulatif
La notion d'ethos selon Aristote | La notion d'ethos d'après Goffman | |
---|---|---|
Contexte | La réflexion philosophique sur la parole en démocratie dans l'Antiquité | La sociologie contemporaine |
Idée principale | Quand nous prenons la parole en public, nous devons véhiculer une certaine image de nous-même pour pouvoir convaincre les autres (confiance, crédibilité + engagement, dynamisme, activité + écoute, attention) | Dans toutes les interactions sociales, nous véhiculons une certaine image de nous-même, et pas seulement à travers notre manière de parler (ex. : les postures du corps) |
Précisions | Il y a des techniques du discours, un art de bien parler (= rhétorique) dont l'ethos fait partie | Cette image de soi n'est pas le produit d'une technique, d'un calcul, elle est véhiculée de manière largement inconsciente et spontanée |
Concepts importants | - Logos : discours rationnel fondé sur des arguments - Pathos : appel aux émotions, aux sentiments, à la sensibilité - Ethos : image de soi véhiculée dans le discours | - Représentation : nous jouons un certains personnage (persona en latin = le masque de l'acteur), un certain rôle social (métaphore théâtrale) - Gestion des impressions : nous suivons des normes sociales, des attentes (≠ un calcul conscient) et nous avons tendance à nous conformer à des règles implicites |
La notion d'identité narrative
Lecture d'un texte sur la notion d'identité narrative.
Il y a différentes conceptions de l'identité personnelle.
Les conceptions substantialistes
Idée : Il y a en moi quelque chose qui reste le même et qui est le support de mon identité (= la substance du moi)
- conceptions biologiques de l'identité :
- le moi = mon cerveau
- le moi = mes gènes
- conceptions psychiques de l'identité :
- le moi = mon âme
- le moi = mon caractère
Ces conceptions correspondent à ce que Ricœur nomme l'idem ou la mêmeté.
Les conceptions non-substantialistes
Idée : L'identité n'est pas une chose qui serait déjà là quelque part, mais une construction
- conception de l'identité comme engagement
- le moi = mes choix, mon projet (liés à des valeurs qui sont importantes pour moi)
- conception mémorielle de l'identité
- le moi = un ensemble de souvenirs (qui comptent pour moi)
Ces conceptions correspondent en partie à ce que Ricœur nomme l'ipse ou l'ipséité.
L'identité narrative
Le concept d'identité narrative correspond à l'idée suivante : à travers un récit à propos de soi, chacun unifie l'ensemble de ses expériences vécues et se construit en se réappropriant son passé et ce qu'il est.
Chapitre 2 : L'expression des sentiments
Contenu de ce chapitre
Question 1 – Comment le désir et le sentiment amoureux peuvent-ils s'exprimer ?
Mise en situation
Discussion en groupe : Pourquoi est-ce si difficile d'exprimer le sentiment amoureux ou le désir ?
Visionnage de 3 courts métrages :
- Une leçon particulière
- À tes amours
- Gratte-papier
- Qu'y a-t-il d'intéressant ou de critiquable dans ces films ?
- Comment peut-on utiliser ces films pour répondre à la question : « Comment le désir et le sentiment amoureux peuvent-ils s'exprimer ? » ?
Mise en forme
Travail sur deux textes.
Texte de Bergson.
- Les mots sont comme des étiquettes collées sur les choses. Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Chacun a sa manière d'aimer et de haïr. Expliquer.
Cette idée s'applique aussi aux personnes, et aux états psychiques intérieurs d'une personne.
L'idée est que le langage ordinaire ne permet pas d'exprimer l'individualité et la profondeur de nos sentiments.
En cherchant à dépasser le simple langage ordinaire (par exemple dans la littérature), on peut cependant s'approcher de la richesse de notre vie affective et l'exprimer avec plus de justesse.
Exemple : Cyrano de Bergerac.
Texte de Freud
- Freud distingue deux formes de domestication des pulsions : le refoulement et la sublimation. Expliquer cette distinction
- Pourquoi toute culture doit-elle domestiquer les pulsions ?
Question 2 – La parole doit-elle nécessairement ne pas être violente ?
Mise en situation
Visionnage de 3 extraits :
- Billy Elliot
- 120 Battements par minute
- Débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy
Faut-il toujours éviter de se mettre en colère ? Faut-il toujours garder son calme ?
Mise en forme
Le stoïcisme
Sénèque sur la colère (texte)
Structure du texte :
- Définition de la colère (§1-2) : la colère est contraire à la raison, c'est « une courte folie »
- L'irrationalité de la colère se manifeste :
- dans le corps (§3-7) : un corps altéré, modifié / un corps sauvage, animale
- dans ses conséquences, par ses effets destructeurs (§8-10) : au niveau individuel / au niveau social
- dans son principe même (§11-12) : notre nature raisonnable nous fait rechercher la vie en société et la coopération ; au contraire, ce qui anime la colère, c'est le désir de nuire aux autres et elle nous conduit à nous séparer des autres
- Réfutation d'une objection (§13 - fin)
- On pourrait penser que la colère donne le courage d'agir
- mais si on se laisse aller à la colère, on ne pourra pas la contrôler
- par conséquent : il ne faut pas se mettre en colère
Extrait du film Detachment
La colère épique
- Homère, L'Iliade, chant I (texte)
- Analyse de la colère d'Achille par Claire-Françoise de Roguin (texte)
La colère épique fait sortir l'humain de la juste mesure des choses :
- elle mène à la bestialité, à la barbarie
- elle conduit à 1 cycle de vengeances qui ne semble pas pouvoir trouver de fin : elle est sans limites
La colère épique est liée à un code d'honneur, donc à des questions de statut, de reconnaissance. L'honneur est un principe structurant dans les sociétés qui reposent sur des hiérarchies instituées et stables. Dans ces sociétés, il y a une logique de différenciation sociale par le statut associé à un groupe social. Les normes culturelles de l'honneur sont propres à une société, à une époque (pour Achille, il est question de la répartition d'un butin et de la possession d'esclaves)
Dans les sociétés modernes, il y a un processus de démocratisation de la société (cf. Tocqueville : la démocratie n'est pas un simple système politique). Dans ces sociétés, le principe structurant est un principe d'égalité entre les êtres humains, qui conduit à valoriser la dignité de chaque personne, plutôt que l'honneur lié à un statut.
Aristote et la colère juste
- Analyse d'Olivier Renaut (texte)
La colère se distingue de la haine
- la haine vise la suppression, la négation de l'autre
- la colère vise la reconnaissance par l'autre d'un problème moral et la recherche d'une solution pour dépasser, ensemble, ce problème
La colère n'est pas une simple émotion
- Dans la colère, il y a un jugement
- Ce jugement peut être évalué rationnellement :
- Y a-t-il vraiment un objet de la colère ?
- La situation est-elle vraiment un problème moral ?
- La réaction de colère est-elle proportionnelle à la gravité du problème moral
La colère est donc parfois légitime, voire nécessaire
- La colère est juste si elle est mesurée, c'est-à-dire proportionnée à l'existence d'un problème moral et à la gravité de ce problème => une question de circonstances qu'il faut évaluer
- Dans certains cas la colère est une vertu. Pour Aristote, toute vertu est un juste milieu entre deux excès, ici :
- un excès de calme ; absence de réaction : impassibilité, inaction
- un excès de violence : irritabilité, irascibilité, voire haine
Une approche contemporaine : le tone policing
= une stratégie de détournement pour ne pas parler du contenu : on critique le ton adopté et la personne (son "ethos", son caractère), au lieu de discuter du contenu, au nom de certaines valeurs : la civilité, le calme.
Quelques problèmes du tone policing :
- L'appel au calme dans une situation de tension a tendance à créer davantage d'animosité (donc ne permet pas d'obtenir le prétendu calme que l'on recherche)
- L'appel au calme suppose que les émotions n'ont pas de rôle à jouer dans une discussion et qu'elles empêchent de trouver une solution, alors que :
- on ne peut pas laisser les émotions de côté quand le débat porte sur des questions de justice ou de morale
- une discussion n'est pas nécessairement la recherche d'une solution, mais peut aussi avoir pour but de faire prendre conscience qu'il y a un problème et de partager avec d'autres une situation vécue
- L'appel au calme suppose qu'il faut éviter le conflit dans un débat, mais le conflit n'est-il pas nécessaire pour faire entendre certaines idées ?
Le problème principal du tone policing :
- c'est une attitude de domination où une personne cherche à prendre une position de de supériorité et à réduire au silence ("silencing") le point de vue critique d'une personne
- c'est une attaque contre une personne, qui repose souvent sur des préjugés sexistes, classistes, ethnocentriques, ou racistes.
Question 3 – La parole est-elle libératrice ?
Mise en situation
3 extraits :
- Deux jours, une nuit
- Ressources humaines
- En thérapie
- De quoi la parole peut-elle nous libérer ?
- Est-ce facile ?
Mise en forme
Textes :
- Hannah Arendt sur le pardon et la promesse
- Analyse sociologique de la honte
- Freud sur la parole
L'aveu et le pardon
L'aveu
Une forme de reconnaissance
L'aveu consiste à reconnaître la vérité sur ses actes, en particulier lorsqu'ils ont causé du tort à autrui.
Il implique :
- une reconnaissance factuelle de sa responsabilité : assumer que l'on est à l'origine d'un acte.
- une reconnaissance normative du mal causé : admettre que cet acte a eu des conséquences négatives sur une autre personne.
L'aveu conduit alors à un jugement moral sur soi : on exprime un remords, mais en faisant cela, on ne reste pas dans la solitude de la mauvaise conscience, qui peut ronger l'individu de l'intérieur.
L'aveu comme libération
L'aveu peut être libérateur :
- Pour l'individu qui avoue
- On se libère du poids de sa conscience : ne plus porter seul un secret ou une faute soulage psychologiquement.
- On se libère de l'image figée de la personne qu'on a été : l'aveu rend possible une conversion, il ouvre la possibilité de se transformer, de devenir quelqu'un de différent. C'est une affirmation de la liberté humaine contre tout destin qui rendrait l'individu prisonnier de lui-même.
- Pour la victime L'aveu rend possible le pardon :
- Sans aveu, la victime reste souvent enfermée dans un passé douloureux qui continue de peser.
- Avec un aveu, il devient possible de passer d'un passé qui ne passe pas (et qu'on ressasse sans cesse) à un passé qu'on peut dépasser et surmonter.
Aveu, pardon et promesse
H. Arendt permet de prolonger cette analyse : le pardon (que permet l'aveu) est une lutte contre l'irréversibilité du passé. Certes, on ne peut revenir dans le passé, le modifier, mais on peut choisir de le dépasser, de ne plus être dans le ressassement permanent, de passer d'un passé qui ne passe pas à un passé dépassé.
Si la promesse est une lutte contre l'imprévisibilité du passé, alors l'aveu est aussi une forme de promesse dans la mesure où il implique un engagement à être autrement.
La honte sociale
On peut faire une analyse sociologique de la honte
La honte sociale ne se réduit pas à un sentiment passager lié à une erreur ou à un acte précis. Elle peut être l'intériorisation d'un mépris social :
- L'individu ne se sent pas seulement honteux de ce qu'il a fait, mais de ce qu'il est, en raison de son identité sociale.
- Ce mépris repose sur des représentations sociales stigmatisantes : clichés, préjugés, stéréotypes qui dévalorisent certains groupes.
- Ces représentations sont une forme de violence symbolique qui impose les normes d'un groupe dominant à un groupe dominé et infériorise les membres de ce groupe
La parole peut aider à se libérer de cette honte sociale
La parole peut aider à se libérer de la honte sociale de plusieurs façons :
-
Par la déconstruction des préjugés En exprimant et en analysant les stéréotypes, il devient possible de les critiquer et de montrer qu'ils ne reposent pas sur des faits, mais sur des idées reçues. Cela fragilise le pouvoir des représentations négatives.
-
Par la reconnaissance symbolique Au lieu d'inférioriser par des paroles stigmatisantes, la parole peut chercher à valoriser les individus et valoriser l'intercompréhension.
-
Par le retournement du stigmate La parole peut servir à transformer un terme à l'origine insultant (p.ex. : "queer") en symbole de fierté et d'affirmation de son identité.
Parole et thérapie
La thérapie psychanalytique selon Freud
La psychanalyse n'est pas une médecine du corps, mais une médecine de l'âme. Elle repose sur l'écoute de la parole :
- Idée centrale : les mots peuvent soulager les maux.
- Parler permet de mettre en lumière des souffrances ou des blocages psychiques enfouis, et d'alléger leur poids.
Ce n'est pas une pratique magique :
- C'est un processus long, qui demande du temps et de la patience.
- C'est une exploration en profondeur de soi, pour comprendre les racines de ses troubles.
- Elle prétend se fonder sur une théorie scientifique de l'esprit humain.
Une théorie de l'esprit humain
Idée centrale : l'hypothèse de l'inconscient psychique
Freud propose que notre esprit ne se limite pas à ce qui est conscient. Sous la surface, il y a un inconscient psychique : « Le moi n'est pas maître en sa propre maison. » (image de l'iceberg)
Cette idée prétend s'inscrire dans la lignée des grandes révolutions scientifiques :
- Copernic et Galilée, pour la physique : la Terre n'est pas au centre de l'univers.
- Darwin, pour la biologie : l'être humain n'est pas le centre de la vie sur Terre
- Freud, pour la psychologie : la conscience n'est pas le centre du psychisme de l'être humain.
Ce qui constitue l'inconscient psychique
- Des événements refoulés : expériences ou souvenirs que l'on a chassés de la conscience.
- Des pulsions inconscientes :
- Le Ça est le réservoir de ces pulsions.
- Le Surmoi est l'instance qui refoule certaines pulsions, en raison à l'intériorisation des normes sociales, culturelles et d'un idéal psychique du moi.
- Une structuration psychique héritée de l'enfance : qui peut enfermer l'individu dans des schémas répétitifs et douloureux
Le rôle de la parole dans le processus thérapeutique
Dans la psychanalyse, la parole joue un rôle central :
- elle permet de faire émerger à la conscience ce qui était refoulé. Elle donne forme à des pensées ou des émotions confuses, leur permettant d'être comprises.
- En mettant des mots sur ses expériences, le patient peut se libérer de certains schémas psychiques inconscients et ne pas rester prisonnier de lui-même et de son passé.
Une théorie discutée, mais un héritage important
La psychanalyse a été critiquée et remise en question, mais elle a laissé une idée essentielle :
- L'importance d'écouter la parole en thérapie.
- La reconnaissance de schémas psychiques inconscients qui influencent notre vie, même si la place exacte de la parole dans leur dépassement est aujourd'hui discutée.
Séquence 2 : Parole et politique
Contenu de cette séquence
Chapitre 1 : Parole et démocratie
Contenu de ce chapitre
Question 1 – Pourquoi la parole est-elle si importante en démocratie ?
Textes :
- Vernant : la parole dans la démocratie antique
- Arendt : l'importance politique de l'amitié et du dialogue
- Habermas : le rôle de la parole dans l'autodétermination démocratique
- Landemore : l'intelligence collective
Pour comprendre pourquoi la parole est essentielle en démocratie, on peut partir de la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Liberté
La démocratie s'oppose à la tyrannie, au despotisme et aux pouvoirs totalitaires. Dans ces régimes, la parole est censurée et réprimée. Au contraire, la parole joue un rôle fondamental dans les démocraties pour la liberté des individus.
- La parole permet la critique du pouvoir
- Dans une tyrannie, les opposants sont réduits au silence (censure, détention arbitraire).
- Pour le philosophe Philip Pettit, un régime n'est démocratique que si les citoyens peuvent contester librement les décisions du pouvoir.
- La parole permet la formation d'une pensée autonome
- La confrontation à des idées diverses et la diffusion des connaissances permettent à chacun de penser par soi-même.
- C'est un idéal issu des Lumières : il n'y a pas des "maîtres de vérité", mais un esprit critique à développer.
Le modèle de démocratie associé à cet idéal est la démocratie critique, qui valorise l'esprit critique comme fondement de la démocratie.
Égalité
Exemple de la démocratie athénienne
- La démocratie athénienne repose sur l'idée que chaque citoyen possède une compétence politique égale à celle des autres. Ce n'est pas un savoir réservé aux experts : la capacité de juger et de décider est présente en tout être humain et fondée sur la raison, caractéristique essentielle des êtres humains.
- La démocratie athénienne affirme l'égalité politique des citoyens devant la loi en tant que citoyens "passifs" (isonomia) et l'égalité de parole en tant que citoyens "actifs" qui participent à la vie politique de la cité (isegoria)
Il n'y a à ce niveau pas de vie politique démocratique sans parole :
- au niveau institutionnel : débats à l'Assemblée, au Sénat…
- au niveau des citoyens : existence d'un espace public où l'on discute des grandes questions de société.
Le modèle associé à cet idéal est la démocratie participative, où les citoyens participent directement aux décisions (contrairement à la démocratie représentative décrite par Benjamin Constant).
Fraternité
La démocratie repose sur l'idée d'une résolution collective des problèmes en vue d'un certain bien commun.
Deux notions essentielles :
- l'intelligence collective : la réflexion à plusieurs est supérieure à la réflexion individuelle
- la Philia : une forme d'amitié civique qui nous relie aux autres par un même souci du bien commun, qui dépasse la recherche égoïste de l'intérêt privé.
La parole joue un rôle essentiel :
- Permettre l'échange d'idées qui rend possible l'intelligence collective.
- Renforcer le lien social : la discussion est au cœur de ce qui constitue la philia
Le modèle associé à cet idéal est la démocratie délibérative, fondée sur la discussion plutôt que sur la simple pratique du vote
Limites de ces trois modèles
Limites de la démocratie critique
- Manipulation possible de l'opinion (rhétorique, lobbying, puissances médiatiques et autres formes d'influences)
- Importance de la qualité des contenus présents dans l'espace public, face à la diffusion massive et rapide de fausses informations (fake news) et de bêtises ou de contenus simplement sensationnels
- Inégal accès à l'éducation, qui limite l'esprit critique
Limites de la démocratie participative
Il y a des inégalités d'accès à la parole :
- des inégalités sociales : certaines voix restent marginalisées (temps de parole inégaux, interruptions, confiscation de la parole, mansplaining, dévaluation …)
- des inégalités économiques : les ressources matérielles pour diffuser des idées sont inégales
Limites de la démocratie délibérative
- Risque d'accorder trop de valeur au consensus : effacement des conflits et de la diversité des opinions
- Consensus parfois factice, reflet des idées dominantes
- Questionnement sur l'existence d'un véritable bien commun, surtout dans :
- des sociétés individualistes (Tocqueville)
- des sociétés marquées par de fortes inégalités socio-économiques (Marx)
- des sociétés multiculturelles
Question 2 – La liberté de parole doit-elle être absolue ?
La conception libérale de la liberté d'expression
Mill défend une conception radicale maximaliste de la liberté d'expression. Toute opinion doit pouvoir être exprimée, même si elle nous semble moralement inacceptable. Seule limite : la liberté d'expression peut être restreinte dans le cas où il y a un risque de nuire à autrui. Mais les seules nuisances qui sont considérées ici sont les menaces qui portent atteinte à l'intégrité physique de la personne (incitation à la violence).
L'argument principal est l'argument de la vérité : la liberté d'expression doit être maximale afin de permettre au maximum l'accès à la vérité.
Il est en effet possible que la thèse adverse soit vraie. Refuser cette possibilité, ce serait croire à son infaillibilité. Même si la thèse adverse est largement fausse, il est possible qu'elle exprime une part de vérité. Et même si la thèse adverse est totalement fausse :
- ne pas restreindre la liberté d'expression permet de mieux comprendre les raisons qui justifient l'opinion vraie
- autoriser le débat permet de développer une conviction plus profonde et plus robuste, et de ne pas en rester à un "dogme mort".
Les limites de la conception libérale
L'argument de Mill prétend que la liberté d'expression doit être maximale pour permettre d'accéder à la vérité et la renforcer, mais :
- la vérité n'est pas la seule valeur : une liberté d'expression maximale autorise la diffusion de discours haineux, qui portent atteinte à la dignité de certaines personnes (ex : discours suprémacistes)
- une liberté d'expression maximale peut nuire à la diffusion de la vérité :
- les informations fausses peuvent exercer une influence plus massive et plus rapide (fake news)
- le contenu des idées fausses a souvent un caractère séduisant, souvent parce que ce contenu est plus simple et/ou plus rassurant
- loi de Brandolini : la diffusion d'une idée fausse est rapide et facile, alors que sa réfutation exige un travail long et difficile.
Chapitre 2 : La parole comme pouvoir sur autrui
Contenu de ce chapitre
Question 1 – La rhétorique politique est-elle une manipulation par le langage ?
Critique de la rhétorique
Dans 1984 (Orwell), la novlangue est une nouvelle manière de parler imposé par le gouvernement. C'est une simplification de la langue qui vise à rendre impossible l'expression d'une critique sociale et politique.
De manière générale, une novlangue est une manière de parler qui a pour fonction d'empêcher la contestation d'un pouvoir établi et permet ainsi de le protéger et de maintenir une domination.
La rhétorique politique prend parfois la forme d'une novlangue.
- parler pour ne rien dire, pour esquiver des questions : la langue de bois comme discours vide, creux, abstrait et général afin d'éviter tout engagement concret et précis.
- dire d'une certaine manière pour masquer un aspect de la réalité qui remet en question le pouvoir établi
Mais faut-il réduire la rhétorique politique à de la manipulation par le langage ?
Importance de la rhétorique
La parole est nécessaire en politique pour communiquer des idées, un programme, une vision politique.
- Cicéron, De l’orateur
- Augustin, La doctrine chrétienne
- Loïc Nicolas, Discours et liberté
3 oppositions pour mieux comprendre l'importance de la rhétorique :
- raison / émotion
- Cicéron : "l'éloquence complète la philosophie". La philosophie se rapporte ici au discours rationnel qui vise à convaincre par des arguments. L'éloquence exprime ce qui cherche à toucher le cœur de l'être humain, ses émotions, afin de pouvoir le persuader.
- discours faux / discours vrai
- Augustin : "L'éloquence est une faculté neutre". L'éloquence est souvent associée aux discours faux, aux mensonges, à la manipulation ; mais elle peut être utilisée pour défendre le vrai ; et non seulement elle le peut, mais elle le doit.
- Augustin : "Il faut s'armer et combattre pour la vérité". Sans l'éloquence, sans la rhétorique, le discours vrai risque d'être ennuyeux, trop complexe : il ne va pas réussir à convaincre, le discours faux risque de se répandre davantage.
- argumentation / démonstration
- En mathématiques, on peut faire des démonstrations ; on peut parvenir à des certitudes, car on est dans un domaine théorique.
- Mais dans les affaires humaines, on ne peut qu'argumenter, défendre des raisons qui ne sont pas des certitudes. On se situe dans un cadre qui est celui de la discussion qui va mener à une discussion et à l'action (domaine de la pratique)
Dans l'histoire politique, il y a des grands discours qui manifestent l'importance de la rhétorique pour exprimer une idée politique.
Travail sur un grand discours (au choix).