Question 1 – Pourquoi la parole est-elle si importante en démocratie ?

Textes :

  • Vernant : la parole dans la démocratie antique
  • Arendt : l'importance politique de l'amitié et du dialogue
  • Habermas : le rôle de la parole dans l'autodétermination démocratique
  • Landemore : l'intelligence collective

Pour comprendre pourquoi la parole est essentielle en démocratie, on peut partir de la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Liberté

La démocratie s'oppose à la tyrannie, au despotisme et aux pouvoirs totalitaires. Dans ces régimes, la parole est censurée et réprimée. Au contraire, la parole joue un rôle fondamental dans les démocraties pour la liberté des individus.

  1. La parole permet la critique du pouvoir
  • Dans une tyrannie, les opposants sont réduits au silence (censure, détention arbitraire).
  • Pour le philosophe Philip Pettit, un régime n'est démocratique que si les citoyens peuvent contester librement les décisions du pouvoir.
  1. La parole permet la formation d'une pensée autonome
  • La confrontation à des idées diverses et la diffusion des connaissances permettent à chacun de penser par soi-même.
  • C'est un idéal issu des Lumières : il n'y a pas des "maîtres de vérité", mais un esprit critique à développer.

Le modèle de démocratie associé à cet idéal est la démocratie critique, qui valorise l'esprit critique comme fondement de la démocratie.

Égalité

Exemple de la démocratie athénienne

  • La démocratie athénienne repose sur l'idée que chaque citoyen possède une compétence politique égale à celle des autres. Ce n'est pas un savoir réservé aux experts : la capacité de juger et de décider est présente en tout être humain et fondée sur la raison, caractéristique essentielle des êtres humains.
  • La démocratie athénienne affirme l'égalité politique des citoyens devant la loi en tant que citoyens "passifs" (isonomia) et l'égalité de parole en tant que citoyens "actifs" qui participent à la vie politique de la cité (isegoria)

Il n'y a à ce niveau pas de vie politique démocratique sans parole :

  • au niveau institutionnel : débats à l'Assemblée, au Sénat…
  • au niveau des citoyens : existence d'un espace public où l'on discute des grandes questions de société.

Le modèle associé à cet idéal est la démocratie participative, où les citoyens participent directement aux décisions (contrairement à la démocratie représentative décrite par Benjamin Constant).

Fraternité

La démocratie repose sur l'idée d'une résolution collective des problèmes en vue d'un certain bien commun.

Deux notions essentielles :

  • l'intelligence collective : la réflexion à plusieurs est supérieure à la réflexion individuelle
  • la Philia : une forme d'amitié civique qui nous relie aux autres par un même souci du bien commun, qui dépasse la recherche égoïste de l'intérêt privé.

La parole joue un rôle essentiel :

  • Permettre l'échange d'idées qui rend possible l'intelligence collective.
  • Renforcer le lien social : la discussion est au cœur de ce qui constitue la philia

Le modèle associé à cet idéal est la démocratie délibérative, fondée sur la discussion plutôt que sur la simple pratique du vote

Limites de ces trois modèles

Limites de la démocratie critique

  • Manipulation possible de l'opinion (rhétorique, lobbying, puissances médiatiques et autres formes d'influences)
  • Importance de la qualité des contenus présents dans l'espace public, face à la diffusion massive et rapide de fausses informations (fake news) et de bêtises ou de contenus simplement sensationnels
  • Inégal accès à l'éducation, qui limite l'esprit critique

Limites de la démocratie participative

Il y a des inégalités d'accès à la parole :

  • des inégalités sociales : certaines voix restent marginalisées (temps de parole inégaux, interruptions, confiscation de la parole, mansplaining, dévaluation …)
  • des inégalités économiques : les ressources matérielles pour diffuser des idées sont inégales

Limites de la démocratie délibérative

  • Risque d'accorder trop de valeur au consensus : effacement des conflits et de la diversité des opinions
  • Consensus parfois factice, reflet des idées dominantes
  • Questionnement sur l'existence d'un véritable bien commun, surtout dans :
    • des sociétés individualistes (Tocqueville)
    • des sociétés marquées par de fortes inégalités socio-économiques (Marx)
    • des sociétés multiculturelles