Le choix du terme “Léviathan” pour désigner l’État est très significatif. L’examen des sources bibliques permet de mieux comprendre les raisons de ce choix.

1/ Le Léviathan est un monstre qui fait peur

Job 41:17 : « Quand il se dresse, les flots prennent peur et les vagues de la mer se retirent. »

Job 41:6 : « Qui a ouvert les battants de sa gueule? La terreur règne autour de ses dents! »

⇒ Le pouvoir de l’État fait respecter les lois par la crainte qu’il inspire.

2/ Le Léviathan est considéré comme l’être le plus puissant des êtres sur Terre

Job 41:25 : « Sur terre, il n’a point son pareil, il a été fait intrépide. »

⇒ Le pouvoir de l’État est absolu et sans pareil : c’est ce qu’on retrouve aussi dans l’image du géant dans le frontispice (cf. ci-dessous).

3/ Le Léviathan est un monstre qui provient de la mer, et l’eau représente le chaos primitif

Job 40:25 : « Et Léviathan, le pêches-tu à l’hameçon, avec une corde comprimes-tu sa langue? »

Psaume 74:13-14 : « Toi qui fendis la mer par ta puissance, qui brisas les têtes des monstres sur les eaux; toi qui fracassas les têtes de Léviathan pour en faire la pâture des bêtes sauvages ».

Genèse 1:2 : « Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. »

⇒ Le pouvoir de l’État émerge à partir d’un état de nature qui est un état de guerre.

4/ Le Léviathan évoque l’orgueil humain

Job 41:26 : « Il regarde en face les plus hautains, il est roi sur tous les fils de l’orgueil. »

⇒ Les individus ont besoin d’être gouvernés, dans la mesure où ce qui les caractérise est leur désir de puissance.

5/ Le Léviathan est un monstre composite

Le terme même de Léviathan serait composé à partir de la racine lavah, qui signifie le lien, et le Léviathan est composé de multiples écailles, jointes l’une à l’autre.

Job 41:5-9 : « Qui a découvert par devant sa tunique, pénétré dans sa double cuirasse? Qui a ouvert les battants de sa gueule? La terreur règne autour de ses dents! Son dos, ce sont des rangées de boucliers, que ferme un sceau de pierre. Ils se touchent de si près qu’un souffle ne peut s’y infiltrer. Ils adhèrent l’un à l’autre et font un bloc sans fissure. »

Job 41:15 : « Les fanons de sa chair sont soudés ensemble : ils adhèrent à elle, inébranlables. »

⇒ Léviathan est composé d’individus qui sont joints par un contrat : c’est ce qu’on retrouve dans le frontispice (cf. ci-dessous) avec l’image du géant dont le corps est rempli de personnages.

6/ Appeler l’État “Léviathan”, c’est lui donner un nom, le nom d’une créature

⇒ Donner un nom à l’État, c’est en un sens le baptiser, le considérer comme un être qui a une naissance et l’État est justement chez Hobbes considéré du point de vue de sa genèse. Il s’agit d’autre part de considérer l’État comme un individu, comme une personne, ainsi que le montre le frontispice (cf. ci-dessous). Enfin, Léviathan est mortel et exposé, comme toutes les autres créatures terrestres, à la décrépitude (Léviathan, XXVIII). De même l’État doit savoir ce qui le rend mortel afin de pouvoir survivre.

Conclusion

En définitive, on a avec ce terme de Léviathan un concentré de la philosophie politique de Hobbes : le pouvoir naît (cf. 6.) des individus eux-mêmes par une forme de contrat (cf. 5.). Il émerge de l’état de nature, dans lequel le désir de puissance de chacun (cf. 4.) conduit à un état de guerre (cf. 3.). Pour faire sortir les hommes de l’état de nature, Hobbes estime que le pouvoir de l’État doit être absolu (cf. 2.) et qu’il doit faire respecter les lois par la crainte (cf. 1.).

Frontispice du Léviathan

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