Q1 – Faire tout ce qui nous plaît, est-ce être esclave de nos désirs ?
Objectifs de ce cours
- Comprendre différentes formes possibles de désir 🔵
- Comprendre l'opposition principale entre Schopenhauer et Épicure 🔴
- Comprendre comment on construit son argumentation dans une sous-partie de dissertation 🟢
Situation initiale
Lectures préalables
Texte 1 : Schopenhauer
« Tout vouloir naît du besoin, donc du manque, donc de la souffrance ; la satisfaction y met un terme ; mais pour un souhait satisfait, au moins dix se trouvent frustrés ; en outre la convoitise dure longtemps, ses exigences sont sans fin ; la satisfaction, elle, est brève et chichement comptée. Or ce contentement final n'est lui-même qu'apparent : le souhait satisfait donne aussitôt lieu à un autre souhait ; le premier est une illusion qui a été reconnue, le second une illusion qui ne l'a pas encore été. Aucun objet atteint par le vouloir ne peut procurer un contentement durable, définitif : l'objet sera toujours pareil à l'aumône qui, jetée au mendiant, lui permet de vivoter aujourd'hui en remettant son tourment à demain. — C'est pourquoi, aussi longtemps que notre conscience est remplie par notre volonté, aussi longtemps que nous cédons à l'élan des souhaits avec l'espoir et la crainte incessante qui lui sont associés, aussi longtemps que nous sommes sujets du vouloir, nous ne connaîtrons jamais ni bonheur durable ni repos. [...] Ainsi, le sujet du vouloir se trouve continuellement attaché sur la roue tournante d'Ixion, il remplit éternellement le tonneau des Danaïdes, il est Tantale subissant ses éternels supplices. » (Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, Livre III, §38)
Texte 2 : Épicure
« Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels les autres vains […] Et en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé du corps et à l’ataraxie de l’âme, puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car nous faisons tout afin d’éviter la douleur physique et le trouble de l’âme. Lorsqu’une fois nous y avons réussi, toute l’agitation de l’âme tombe, l’être vivant n’ayant plus à s’acheminer vers quelque chose qui lui manque […] C’est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse. […] Tout plaisir, pris en lui-même et dans sa nature propre est donc un bien, et cependant tout plaisir n’est pas à rechercher pareillement, toute douleur est un mal, et pourtant toute douleur ne doit pas être évitée. En tout cas, chaque plaisir et chaque douleur doivent être appréciés par une comparaison des avantages et des inconvénients à attendre. […] C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l’opulence qui ont le moins besoin d'elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, tandis que ce qui ne répond pas à un désir naturel est malaisé à se procurer. […] Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs voluptueux et inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que l’écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l’âme, à être sans trouble. » (Épicure, Lettre à Ménécée)